DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

CINQ MÉDITATIONS SUR LA BEAUTÉ

de François CHENG

de l’Académie française

 

aux Éditions Albin Michel, 163 pages, 2006

 

Il est étonnant de vouloir chanter la beauté au couchant de la vie et d’aborder ce thème dans la pureté et la paix. C’est l’expérience que François Cheng a réussi dans « Cinq méditations sur la beauté ».

François Cheng a séparé son livre en cinq parties, cinq méditations successives pour arriver à la paix absolue.

 

Trouver d’abord la paix dans la nature, dans la diversité des cultures, de la connaissance puis rechercher l’infini autour de soi, l’espace, l’étendue des pensées mystiques pour tendre vers la civilisation de l’Universel de Pierre Teilhard de Chardin, pour s’approcher de Dieu, comme saint François d’Assise en union avec la nature, rassembler les hommes hors du racisme à la manière de Senghor.

Il faut reconnaître deux mystères :

« (…) d’un côté, le mal ; de l’autre, la beauté. » (p. 13)

Trouver le sens de notre passage sur terre, est incontournable pour rencontrer la beauté et pour comprendre que chaque être humain est unique :

« Je comprends d’instinct que sans la beauté, la vie ne vaut probablement pas la peine d’être vécue, » (p. 20)

« Le fait de l’unicité se vérifie autant dans l’espace que dans le temps. » (p. 25)

Tout d’abord, il faut découvrir la beauté :

« En tant que présence, chaque être est virtuellement habité par la capacité à la beauté, et surtout par le « désir de beauté ». » (p. 26)

Il faut passer par la transcendance pour s’élever :

« La vraie transcendance, paradoxalement, est dans l’entre. » (p. 28)

 

Dans la seconde méditation, François Cheng se sert d’écrivains connus qu’il cite pour aborder le sacré qui se trouve lié à la beauté. Il nous offre des citations de Baudelaire (p. 47), Angélus Silesius, poète du XII° siècle originaire de Silésie (p. 38), Keats (p. 52) pour éclairer notre quête de spiritualité. Pour nous donner le sens du Tao, c’est-à-dire la Voie qui nous mène du concret à l’abstrait, du visible vers l’invisible, des profondeurs vers la lumière, il cite Paul Claudel : « ce qui n’a pas de forme, ce qui voit sans yeux, (…) l’ignorance qui est la suprême connaissance. » (p. 45) et encore : « Plus une chose meurt, plus elle arrive au bout d’elle-même (…) » (p. 47)

La mort fait-elle partie de la beauté ? François Cheng nous répond avec beaucoup de délicatesse, de profondeur et de poésie :

« (…) la vraie beauté est élan de l’Être vers la beauté et le renouvellement de cet élan ; (…) Une bonne éternité ne saurait être faite que d’instants saillants où la vie jaillit vers son plein pouvoir d’extase. » (p. 49 et 50)

 

La troisième méditation oscille entre mysticisme avec l’analyse du mode de pensée de saint Augustin et art, expression de la beauté avec Michel-Ange (p. 66) ou Mona Lisa, la célèbre Joconde de Léonard de Vinci. François Cheng s’étonne de la présence de Mona Lisa dans le tableau du peintre :

« Sa beauté ne se fonde pas sur la seule combinaison de traits extérieurs, mais elle est illuminée par un regard et un sourire, un sourire énigmatique qui semble vouloir dire quelque chose. » (p. 64)

La beauté de l’art est proche de celle du mystique. François Cheng découvre qu’il y a en saint Augustin, « une autorité naturelle, qui est l’âme souveraine, et une obéissance naturelle, qui est la chair soumise, voilà qui montre la beauté d’un ordre remarquable. » (p. 65). Il se réfère à saint Augustin : « la beauté résulte, à ses yeux, de la rencontre de l’intériorité d’un être et de la splendeur du cosmos, laquelle, pour lui, est le signe de la gloire de Dieu. » (p. 67 et 68)

Nous allons alors à la rencontre de l’âme : « (…) l’âme s’éprend de l’âme. » (p. 66) C’est le chemin vers la transfiguration, c’est-à-dire « ce qui transforme de l’intérieur, et également comme ce qui transparaît dans l’espace entre le fini et l’infini, entre le visible et l’invisible. » (p. 70) Le Christ vient alors au croisement des chemins : « Notre regard (…) fixe à nouveau le corps décharné du Christ (…) » (p. 80)

De cette manière, François Cheng unit la beauté des êtres et la pensée religieuse. Apparaît alors la notion de sacrifice, idée que l’auteur approfondit avec des citations d’écrivains dont Dostoïevski, Romain Gary (p. 81), dans le but de racheter le monde par la beauté, celle de l’invisible présence.

 

Dans la quatrième méditation, la création artistique domine avec l’expérience d’écrivains dont Platon, Dante, Alfred de Musset, Keats. Ce dernier a écrit : « la terre est une vallée où poussent les âmes » (p. 87) nous dit François Cheng, à l’écoute du souffle de l’esprit. L’auteur part vers le Vrai, le Bien, le Beau (p. 90) pour une « co-naissance » (p. 93). L’homme fait partie de l’univers vivant : « Tandis que l’homme devient l’intérieur du paysage, celui-ci devient le paysage intérieur de l’homme. » (p. 103) Il pourra alors accéder « à la lumière de l’âme qui est la vraie présence. » (p. 114).

 

La cinquième et dernière méditation est centrée sur l’esprit tourné vers le Créateur, à travers les artistes peintres dont Matisse, Chagall, Miro, Zao Wouki… (p. 120) car l’art « élève l’homme à la dignité du Créateur (…) » (p. 121). François Cheng nous parle aussi de l’esthétique chinoise, avec trois degrés, le « yin-yun, le qi-yun et le shen-yun (p. 151). Le yin-yun est « interaction unifiante » qui relie division et unité (p. 152). Le qi-yun est « souffle rythmique » (p. 153) car d’après la pensée chinoise, « (…) le souffle devient esprit lorsqu’il atteint le rythme. » (p. 154) Le shen-yun incarne l’esprit supérieur du qi, « souffle ». Il représente l’esprit divin (p. 157). François Cheng se tourne vers le divin et l’infini qu’il qualifie ainsi : « Ce vide mû par le souffle recèle une attente, une écoute qui est prête à accueillir un nouvel avènement, annonciateur d’une nouvelle entente. » (p. 161)

 

Ces cinq méditations aboutissent à la beauté en tant que don suprême, défi et pari pour l’homme (p. 161). Avec François Cheng, nous pouvons partir méditer à la découverte du sens profond de la beauté, chemin de la vraie vie.

 

15 janvier 2007

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER