PRÉSENTATION D’UN MÉMOIRE UNIVERSITAIRE

 

Université de Nice-Sophia-Antipolis
UFR de lettres, art et langues - Département de lettres modernes

 

UNE CERTAINE IDÉE DE LA VIE : LA MORT,
LA PEUR DE LA MORT COMME ÂME
DES NÉVROSES DE MAURICE ROLLINAT

 

Mémoire de master I de lettres modernes
présenté par Jean-Marie GUIGNARD

et préparé sous la direction de Monsieur Jean-Marie SEILLAN
Professeur de littérature du XIXème siècle

 

Année universitaire 2006-2007

 

Impressions de Catherine Réault-Crosnier

 

M. Jean-Marie Guignard, fidèle adhérent à notre association, nous fait parvenir son mémoire de master 1 de Lettres modernes (année universitaire 2006 – 2007), intitulé « La peur de la mort comme âme des Névroses de Maurice Rollinat ». C’est un travail très personnel de 125 pages, avec de nombreux extraits de Maurice Rollinat pour appuyer les idées de l’auteur. La reproduction de la photo de Maurice Rollinat au piano (par Alluaud, p. 30), d’un dessin (portrait de Rollinat par Émile Cohl pour Les hommes d’aujourd’hui, p. 60) et de deux huiles sur toile en couleurs (de Friedrich Gaspar David, p. 83, de Félicien Rops, p. 117) agrémentent judicieusement cet ouvrage.

Dans la première partie « La peur », Jean-Marie Guignard nous fait réfléchir à l’impact de la peur chez ce poète et plus particulièrement combien la peur peut aider à la créativité, d’autant plus que Maurice Rollinat l’humanise. Jean-Marie Guignard explique l’ambiguïté de cette Peur, ni déesse ni muse : « La Peur n’apparaît pas ici comme la déesse antique Phobos, fille d’Arès dans la Théogonie d’Hésiode et qui marche au combat, à la suite de son père, dans l’Iliade, (…). Toutefois la Peur n’est pas Satan. Elle représente plutôt un suppôt de Satan (…). » (p. 11)

Jean-Marie Guignard précise ensuite l’impact de la Peur sur l’auteur et comment la nature lui permet de trouver un refuge : « Incohérence en effet, car la nature ne peut constituer un refuge en soi face à la peur puisque c’est elle qui régit l’alternance du jour et de la nuit. » (p. 14)

Maurice Rollinat est fasciné par la peur, il « recherche la souffrance et s’en repaît devant nos yeux ». (p. 19) Jean-Marie Guignard compare alors l’expression de la peur chez Rollinat avec celle d’autres auteurs comme Edgar Poe, Baudelaire, Émile Zola, Maupassant… (p. 18 et 19)

Jean-Marie Guignard nous parle de « L’écriture de la peur » chez Maurice Rollinat, par exemple à travers un chapitre sous-titré « Stupéfaction, fascination, détournement : le serpent ». Le serpent symbolise en particulier, la peur qui passe par le charnel, « on écrit aussi avec son corps » (p. 22) –la reptation du serpent a sa correspondance dans le frisson du poète (p. 27)– puis la peur qui nous hypnotise, nous paralyse (p. 25) ensuite le poète réagit, exprime sa peur et par là s’en éloigne : « Tentative de retrait et de fascination » (p. 29).

Dans la deuxième partie, « La mort dans tous ses états », Jean-Marie Guignard nous parle philosophiquement de Maurice Rollinat à travers des thèmes fondamentaux, de la vie, de la mort, de l’au-delà, de Dieu. L’âme, est-elle l’ennemie du corps ? Quelle est la place de l’intelligence ? de la poésie ? « (…) l’âme (…) va opérer la transmutation de la description poétique naturelle en surnaturelle, de la nature obvie en fantastique. » (p. 34).

Maurice Rollinat a du mal à s’extirper du stade second de la peur (la fascination) et seule l’écriture lui permet de l’exprimer dans un « pessimisme ambiant » (p. 38). Jean-Marie Guignard pour étayer sa thèse, nous donne de nombreux extraits de poèmes de Maurice Rollinat judicieusement choisis. Dans le recueil de Maurice Rollinat, « Les Refuges », le poète essaie de passer par « la chrysalide de l’âme » pour s’envoler plus haut et plus loin (p. 39)

Dans la troisième partie « La Ruine », Jean-Marie Guignard aborde l’hypotypose c’est-à-dire la figure de style consistant à décrire une scène de manière si frappante, qu’on croit la vivre, puis la tentative hypnotique, enfin la possibilité que nous avons de nous extraire de notre gangue humaine pour nous élever vers « l’épiphanie (…) moment voulu solennel et initiatique » (p. 77) » : « Or l’âme peut se définir comme l’ultime image de toutes choses (…) la plus belle extase qui soit donnée au poète c’est la communion des âmes sur terre, communion universelle car, pour Rollinat, (...) il n’y a pas d’objets inanimés. » (p. 82)

Le macabre de Maurice Rollinat colle à la peau du poète et oscille « entre or et ordure » (p. 82) ; il lui permet de cacher son angoisse. Par cette idée, Jean-Marie Guignard fait la transition avec la partie suivante : « Oripeaux, corps et âme de la peur : le macabre ». Il part de la tradition antique médiévale (comme la danse macabre) vers l’état d’esprit baudelairien pour arriver à Maurice Rollinat qui dénude le corps macabre par exemple de la femme, pour nous imbiber de frissons et passer à l’ironie, sorte de rire étrange, typique de Maurice Rollinat : « Le pivot de ce comique c’est la situation de l’homme, « ce moucheron d’un jour », aux prétentions ridicules puisqu’infinies ». (p. 105)

Ce passage obligatoire du macabre doux et amer vers l’incantation est une méthode équivoque pour le peureux, dit Platon. Il conduit au rire atroce, nous dit Jean-Marie Guignard, celui des larmes, comme dans « La Villanelle du Diable » de Maurice Rollinat : « La vibration ce cette voix « surnaturelle » qui vient aussi du « ventre », c’est la poésie de Rollinat qui oscille de l’enfance à la mort, de la comptine au thrène, de l’éclat de rire le plus trivial au désespoir le plus poignant ; (…) » (p. 115).

Vraiment Jean-Marie Guignard a réalisé à travers ce travail, une réflexion importante sur l’expression poétique de Maurice Rollinat, quant à sa manière d’exprimer la peur et le macabre, tout en se laissant baigner de la paix de la nature où ce poète sait si bien trouver refuge. Merci à Jean-Marie Guignard d’avoir su nous faire partager la vision synthétique et les émotions profondes de Maurice Rollinat, en analysant cette peur à la fois charnelle et profonde, et cette poésie qui lui permet de prendre du recul par l’expression des émotions. Ce mémoire ne passera pas inaperçu et nous espérons que Jean-Marie Guignard continuera ses recherches sur ce poète qui n’en finit pas de nous envoûter.

 

25.11.2007

 

NB : Pour avoir plus d’informations sur Maurice Rollinat et l’Association des Amis de Maurice Rollinat, vous pouvez consulter sur le présent site, le dossier qui leur est consacré.