DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

« ET SI C’ÉTAIT VRAI… »

de Marc LEVY

Marc Lévy, le 31 août 2003, lors d'une séance de dédicace, à Chanceaux-près-Loches, Indre-et-Loire.

 

Éditions Robert Laffont - Pocket, 253 pages, 2000

 

 

« Et si c’était vrai… » qu’un écrivain inconnu publie son premier roman et que son livre soit le numéro un des ventes dans la catégorie fiction de l’année 2000, qu’il soit vendu à plus d’un million d’exemplaires, qu’il soit traduit en trente langues, que Steven Spielberg achète à cet auteur les droits d’adaptation, qu’avant la sortie de ce roman, le parcours de cet homme n’eût rien de littéraire, que ce fût un chef d’entreprise pendant sept ans aux États-Unis avec un esprit créateur certain puisqu’il avait créé une société d’images de synthèse, que cet homme de retour dans son pays, la France, dirigeât un cabinet d’architectes à Paris ? « Et si c’était vrai… »

Malgré l’énormité du pourcentage de l’impossibilité de probabilité de cette équation, ce n’est pas de la science fiction mais la vie non romancée de Marc Levy et le nom de son premier roman est un défi à la réussite puisqu’il s’intitule « Et si c’était vrai… », roman extraordinaire qui mérite le succès qu’il a si vite obtenu.

Marc Levy manie la plume avec un art subtil, plein de la fougue de la jeunesse de son héroïne, Laureen qui n’a pas trente ans et qui est interne aux urgences à San Francisco. Tout arrive à tout le monde et la vie peut basculer très vite, s’inverser. C’est ce qui se passe avec Laureen, lors d’un accident de voiture où elle se retrouve en coma profond. Marc Levy en profite pour nous faire réfléchir sans en avoir l’air sur la fragilité de l’existence, sur l’éphémère de notre passage sur terre, sur la difficulté d’être de ceux qui sont à la lisière entre la vie et la mort.

Du rythme endiablé du début où Laureen vivait à cent à l’heure au lit blanc de l’hôpital, il y a un choc dans l’esprit de l’héroïne comme dans celui du lecteur. Si elle mourait, l’histoire serait terminée. Si elle restait léthargique, déconnectée du monde, que peut-il arriver ? Et c’est là où l’art de Marc Levy arrive à son point culminant qui défie le monde. Il crée à cette femme, une double peau, un corps aérien qui peut réfléchir et franchir les murs et comme par exemple, se retrouver chez elle, dans son ancien appartement alors occupé par un jeune homme banal, architecte, Arthur. Elle va bouleverser sa vie mais Marc Levy ne nous le dit pas ainsi. Il nous le fait découvrir subtilement en même temps qu’Arthur. Arthur peut la voir, Laureen lui parler :

« vous êtes, sans le savoir, la seule personne au monde avec qui je puisse partager ce secret. » (p. 39)

Un dialogue s’engage entre eux, une réflexion profonde vers l’inconnu, les limites entre la vie et la mort. Arthur croit rêver mais il apprend « le goût du bonheur » (p. 84) et il veut aider Laureen à s’extirper de ce double corps, celui immatériel que lui seul voit et celui inerte, allongé sur un lit d’hôpital et que tout le monde voit.

En sortant de la banalité de la routine de sa vie, Arthur découvre l’essentiel, que « tous les rêves ont un prix ! » (p. 84), que « tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir, que tout est possible. » (p. 87), que le bonheur est fugace et qu’il faut profiter de l’intensité du moment présent :

« Personne n’est propriétaire du bonheur, on a parfois la chance d’avoir un bail, et d’en être locataire. Il faut être très régulier sur le paiement de ses loyers, on se fait exproprier très vite. » (p. 91)

Bien sûr, l’équipe médicale veut à un moment arrêter cet acharnement thérapeutique qui maintient une vie utopique, qui ne continue que parce qu’elle est alimentée par perfusion mais n’a aucune communication avec l’extérieur. Laureen qui a tout entendu, confie ces propos à Arthur qui ne peut supporter de perdre celle avec laquelle il est maintenant très uni par des liens très forts, irréalistes, amoureux d’un amour pur mais qui prendra plus tard une forme charnelle. Arthur a alors pleinement conscience de l’importance que ce « fantôme » a pris dans sa vie. Laureen parle en philosophe :

« tu es là, tu existes, parce qu’un moment de toi c’est déjà immense. Hier est passé, demain n’existe pas encore, c’est aujourd’hui qui compte, c’est le présent. » (p. 216)

Arthur veut « tout faire pour ne pas la laisser mourir. » (p. 216) Un scénario rocambolesque va se dérouler et permettre à Arthur de voler le corps inerte de Laureen pour continuer à communiquer avec son corps immatériel. Arthur vit dans l’angoisse de perdre son amour et sa raison de vivre. Laureen, elle qui n’est pas maître de son corps, le rassure :

« Nous ne sommes pas en train de nous quitter. Tu me dis tout le temps de ne pas penser à demain, profitons de ce moment qui est encore à nous. » (…) « Je pense à ces minutes présentes, elles sont éternelles. » (p. 226)

Ce corps sera repris par la police mais alors les médecins vont accepter tacitement de maintenir Laureen en survie un certain temps. Un jour pourtant, Laureen va sentir que son corps éthéré se détache d’Arthur. Elle crie à son tour, son angoisse de mourir et la force du lien créé :

« J’ai si peur, Arthur. J’ai si peur sans toi. Retiens-moi encore un peu. » (p. 242)

Laureen avait dit : « Je pense à ces minutes présentes, elles sont éternelles » (p. 226) et Laureen avait raison car Arthur et elle, vont se retrouver mais pas comme ils l’attendaient. Il ne faut pas tout dire pour ne pas tout révéler. Chacun découvrira en lisant ce roman, la fin que Marc Levy a choisi pour clore son livre. Cette fin est force. Nous sortons de notre inconscience, du coma profond de notre routine pour accéder à la beauté de l’existence. Quand on aime, même si l’amour est fugace, même si le temps efface tout, il n’enlèvera jamais l’amour. « Et si c’était vrai… »

 

01.01.2002

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Article publié avec l'aimable autorisation de Monsieur Marc Levy qui nous a écrit :

Chère Madame,
Merci pour votre lettre et votre projet d'article qui me touchent beaucoup, et merci de votre attention.
Très amicalement et sincèrement.
Marc Levy