Rencontre avec des poètes en région Centre, lors des cinquièmes ambassades de poésie.

 

JEAN-MICHEL MAULPOIX

 

 

Le mardi 25 mars 1997 dans le cadre des rencontres en région centre, Jean-Michel Maulpoix nous reçoit dans la salle 31 de l’université François Rabelais à Tours. Derrière son bureau, dans cette salle de classe, il essaie de perdre son statut de professeur d’université pour nous confier ses écrits poétiques.

Tout d’abord, Jean-Paul Gou commente ses œuvres en insistant sur le fait que ce poète associe un lyrisme irréductible (à la jointure d’écrire et du vivre, entre la fête et la mort) à un ton de douceur mélancolique qui tend à devenir aigre, blessant avec le temps.

Son esthétique est celle de la confrontation entre le nouveau et l’ancien comme en témoigne la réécriture d’un livre édité en 1986 aux éditions P.O.L puis présenté et sorti aux éditions Mercure de France en 1996. Ici, il parle de l’origine et de son deuil.

"Écrire est une affaire de cicatrice et de sanglot".

Ses textes semblent des blessures qu’il essaie de cicatriser en les couchant sur le papier. Le deuil de sa grand-mère l’a fortement marqué et la porte sur la morte est fermée et rouverte trois fois dans un texte comme s’il n’en finissait pas de voir mourir cet être cher. Ce balancement entre le passé présent et le présent vrai, il le ressent aussi dans les mots comme une déchirure :

"On regarde les phrases se déchirer et se recoudre..."

"Un livre est un linge où le périssable se recueille".

Dans "L’écrivain imaginaire", il trace le portrait d’un écrivain, créature imaginaire car le rêve prend le pas sur le concret :

"Vivre n’est pas de ce monde-ci, écrire est de nulle part".

Il est lié à l’encre, "sorte de lait noir" comme à une mère nourricière. Il glisse des citations de ses auteurs préférés entre les lignes de ses poèmes, presque inconsciemment.

Dans "Une histoire de bleu", livre inspiré par les correspondances de Rilke, il part à la recherche de son intériorité dans l’espace :

"Le rêveur a trempé ses doigts dans le bleu",

"Le bleu, insensible vêtement de notre vie".

Mais la déchirure persiste toujours béante :

"On ne se baigne pas deux fois dans le même corps".

Pour terminer, Jean-Michel MAULPOIX nous parle de ses livres futurs et de son cheminement dans la lignée d’Yves BONNEFOY, tout en se reconnaissant un style plus facile d’accès, toujours compréhensible, sans recherche. Il ne souhaite pas transformer la langue française ni la désarticuler. Il a de nombreux projets et sait qu’il va continuer d’écrire, de préparer ses prochains livres. Il suit son orientation tout en sachant que son lyrisme devient peu à peu désabusé, cassant mais il ressent ce changement comme un virage obligatoire dans son cheminement sans savoir où il le conduira :

"La vie ne m’appartient plus".

En tout cas, l’inspiration, elle, reste omniprésente avec de belles images qui n’en finissent pas de nous faire rêver :

"Avez-vous vu ce pigeon blanc se poser sur la tête de Paul Verlaine ?".

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

Mars 1997