RÉPONSE AU DISCOURS DE RÉCEPTION

DE MONSIEUR RÉGIS MIANNAY

AU SEIN DE L’ACADÉMIE BERRICHONNE

le 12 septembre 1998, à SANCERRE

 

 

Monsieur le président de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs les membres de l’Académie Berrichonne,
Mesdames, Messieurs,

 

Si je sollicite la nomination de Monsieur Régis MIANNAY au sein de notre Académie, c’est parce que Monsieur MIANNAY est un homme du Berry, un professeur de littérature française moderne et contemporaine à l’université de Nantes et un chercheur jamais lassé d’enrichir ses connaissances en particulier sur Maurice ROLLINAT, poète berrichon. Mais si Monsieur MIANNAY est passionné par cet écrivain, il sait de plus permettre à de nombreuses personnes d’avoir accès à ses recherches, aussi bien en France qu’à l’étranger et il ne dédaigne pas faire des conférences dans le monde entier.

à gauche : Régis MIANNAY et Catherine RÉAULT-CROSNIER, le 12 septembre 1998

Catherine RÉAULT-CROSNIER répondant au discours de Monsieur Régis MIANNAY.
Celui-ci est assis à gauche sur la photo.

Régis MIANNAY est né, le 2 octobre 1938, à Amiens. Ses parents sont originaires de Picardie mais s’installent à Chavignolles, près de La Châtre, en 1940. Son père, lorsqu’il était étudiant, connaissait bien Monsieur Gabriel SPILLEBOUT, secrétaire perpétuel de l’Académie Berrichonne qui nous a hélas quittés, le 30 mars 1992.

Ses parents s’installent ensuite à ARGENTON-sur-CREUSE où ils sont enseignants.

Dans son enfance, Monsieur Régis MIANNAY entend parler du poète Maurice ROLLINAT et de son cousin, Monsieur Raymond ROLLINAT qui fut un des plus savants naturalistes du siècle dernier. Celui-ci avait créé auprès de sa demeure, un jardin zoologique où il y avait des reptiles, des rapaces et autres animaux, ce qui était exceptionnel pour l’époque. Ces conversations familiales n’ont pu qu’être propices à son éveil littéraire et à sa connaissance du Berry.

En 1952, sa famille s’installe à CHATEAUROUX où il termine ses études secondaires à l’école Léon XIII et au lycée Jean Giraudoux.

En 1955, il poursuit ses études en classes préparatoires (section lettres), au lycée Gay Lussac de LIMOGES, puis aux lycées Janson-de-Sailly et Louis Le Grand à Paris.

Il obtient successivement la licence de lettres, la maîtrise de lettres classiques et en 1963, l’agrégation. Il est alors nommé au lycée Clémenceau de NANTES.

Il se marie en 1963, avec Pierrette AULAMIERS qui enseigne le français à des étudiants étrangers. Au fil du temps, naîtront quatre enfants et cinq petits-enfants.

Au début de sa carrière, il fait publier deux œuvres de Maurice ROLLINAT :

- "Dans les brandes", en 1971,
- "Les névroses", en 1972,

aux éditions MINARD, PARIS.

En 1979, il soutient une thèse de doctorat d’État sur Maurice ROLLINAT, l’homme et l’œuvre, à la Sorbonne. Il obtient pour cette thèse, une mention très honorable. Son directeur de thèse était Pierre-Georges CASTEX qui fit ensuite partie de l’Institut des Sciences morales et politiques. Cette thèse lui a demandé des recherches minutieuses auxquelles il a consacré plusieurs années de sa vie universitaire.

En 1981, il publie sa thèse sous le titre "Maurice ROLLINAT, poète et musicien du fantastique", avec une préface de Jean HUBERT et un avant-propos de Georges LUBIN.

Il devient professeur de littérature française moderne et contemporaine à l’Université de NANTES. Il sera promu chevalier puis en 1993, officier des palmes académiques.

Monsieur Georges LUBIN souligne dans l’avant-propos du livre sur Maurice ROLLINAT que Régis MIANNAY "apporte une proportion notable de documents inédits qu’il a dû traquer dans leurs retraites protégées et défendues par leurs détenteurs, familles et collectionneurs. Il faut du flair, de la diplomatie, et de la persévérance, trois qualités que Régis MIANNAY a dû déployer au cours de ses enquêtes. Mais ce n’est pas tout de dénicher les correspondances et les textes oubliés, il faut les ausculter, leur arracher leurs secrets, et en tirer des jugements et des conclusions fondés".

Monsieur Régis MIANNAY a procédé avec beaucoup de finesse et de tact aux analyses que nécessitait le sujet et nous ne pouvons que l’en féliciter. Sa rigueur intellectuelle lui a évité les pièges de l’indulgence : il relève honnêtement les insuffisances de Maurice ROLLINAT mais le poète n’en paraît que plus proche de nous, plus humain.

Par exemple, dans ce livre, Edmond LEPELLETIER, ami de VERLAINE et adversaire résolu du poète et de son œuvre, déclare que le poète n’avait obéi qu’à "un désir de surprendre son public". (Extraits du journal "Le Réveil" du 3 août 1883). D’autres sauront apprécier à sa juste valeur, Maurice ROLLINAT comme Paul NOGENT : "La création de mots nouveaux et de termes insolites n’a rien qui nous effarouche en soi. Rien ne nous charme tant (...)"

Cette thèse m’a enthousiasmée par sa clarté, sa profondeur de recherche et sa présentation chronologique d’accès facile. Par exemple, dans le chapitre "Premières publications", Monsieur Régis MIANNAY cite une lettre du poète dans laquelle nous apprenons qu’il a fait la connaissance de Charles CROS et entretient des relations cordiales avec MANET :

"Je vais cultiver Manet. Il m’est très sympathique et j’ose dire que mes vers lui plaisent particulièrement. Je ne serai pas étonné qu’il me fit une eau forte pour "Le Ramasseur de bouts de cigare" dont il raffole et qu’il cite sérieusement comme un chef d’œuvre de poésie brutaliste." (Extrait d’une lettre à Lafagette du 3 septembre 1875).

Ces propos si spontanés sont intéressants à connaître. D’ailleurs cet espoir se concrétisera comme nous le trouvons un peu plus loin dans ce livre :

"Manet va illustrer dix de mes poésies." (Extrait d’une autre lettre d’octobre 1875)

Monsieur Régis MIANNAY sait bien saisir les idées maîtresses de l’œuvre du poète comme lorsqu’il nous explique :

"Pour le lecteur de l’ensemble des œuvres, ce premier recueil présente un charme particulier : il a, avec ses maladresses et ses naïvetés, les accents d’une ardeur juvénile, d’une passion enthousiaste pour une nature qui semble pleine de vie et d’inconnu. Par la suite, le ton de Rollinat sera plus grave et plus serein ; il cachera mal la lassitude d’un esprit désabusé et traduira plutôt une aspiration au repos." (Extrait du chapitre "Les années d’incertitude").

Ces quelques extraits expriment bien la finesse d’analyse de Monsieur Régis MIANNAY, que l’on trouve dans l’ensemble de ce livre. Mais ne nous limitons pas à cet ouvrage. Monsieur MIANNAY est un homme très actif et, en plus de son activité professionnelle, il est président des amis de la bibliothèque municipale de NANTES, membre du jury du prix littéraire de la ville de CHÂTEAUROUX, président des amis de Maurice ROLLINAT.

Il a écrit de nombreux articles dans le bulletin des amis de Maurice ROLLINAT et s’est intéressé à de nombreux écrivains de la fin du siècle comme Hugues REBELLE, Marcel SCHWOB et des auteurs en lien avec NANTES comme Jules VERNE (dont il a édité une de ses nouvelles inédite auparavant). Il s’est intéressé au poète René Guy CADOU qui fit partie de l’école de la Loire.

Monsieur Régis MIANNAY est un homme de lettres connu au niveau international, en particulier pour mieux faire connaître les auteurs français et plus particulièrement berrichons, principalement le poète Maurice ROLLINAT.

Monsieur Régis MIANNAY a aussi séjourné à l’étranger parfois pour des cours (trois fois aux États-Unis) ou pour des conférences et des recherches (qui l’ont conduit en Chine, au Japon, en Corée et récemment au Canada). Il est très attaché à la défense de la langue française si malmenée à notre époque et qui a besoin d’ardents défenseurs.

Toutes ces constatations au sujet du travail et des recherches de Monsieur Régis MIANNAY, illustrent bien le dévouement de celui-ci à la cause littéraire et plus particulièrement berrichonne c’est pourquoi, Monsieur le président, je me permets de vous demander d’admettre Monsieur Régis MIANNAY en tant que membre de notre Académie.

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER