DES LIVRES QUE J’AI AIMÉS

 

QUE SERAIS-JE SANS TOI ?

 

de Guillaume Musso

 

Éditions France Loisirs, 2009, 384 pages

 

 

Avec son art habituel de l’alliance du suspense et du sentimental, Guillaume Musso, sait faire passer son message tout en nous captivant. Pas étonnant qu’il soit traduit en quarante-sept langues ! En effet, « Que serais-je sans toi ? », n’est-ce pas la question que se pose chaque être humain qui sait encore faire passer les sentiments avant le côté pratique au risque de devenir un écorché vif ?

Guillaume Musso sème ses sentences au fil des chapitres comme des repères pour nos réflexions, d’Anatole France : « J’ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l’indifférence. » (p. 9) à Dostoïevski : « L’amour, c’est le droit que l’on donne à l’autre de nous persécuter. » (p. 239) en passant par Cesare Pavese : « Mais voici le plus atroce : l’art de la vie consiste à cacher aux personnes les plus chères la joie que l’on a d’être avec elles, sinon on les perd. » (p. 151) ou Jean-Claude Carrière : « Nous devons préserver notre fragilité parce qu’elle nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne. » (p. 161) et Pascal Quignard : « La vie de chacun d’entre nous n’est pas une tentative d’aimer. Elle est l’unique essai. » (p. 281) ; vous l’aurez remarqué, c’est l’amour qui est toujours en cause.

L’amour est gauche, maladroit ; c’est peut-être d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle il nous émeut : « Non, Martin Beaumont, tu n’es pas un mec comme les autres… Elle lit et relit sa lettre qui la laisse heureuse, désespérée, indécise. » (p. 18)

L’amour est ambivalent, apportant détresse, émotions et angoisse. Mais sans amour, la vie n’est que nuit : « Cette nuit-là, il n’a pas seulement perdu l’amour. Il a aussi perdu l’espoir. » (p. 35)

Et Martin désabusé se recycle dans la police, faute de pouvoir vivre concrètement son amour. Mais un seul voleur retient son attention parce que « (…) l’insolence et l’intelligence du voleur forçaient vraiment l’admiration. » (p. 92)

Si Martin s’investit tant dans cette recherche, n’est-ce pas pour oublier le vide de sa vie ? « Une solitude qu’il recherchait comme une protection, mais qui finirait par le détruire. » (p. 94) « Le problème, c’est la solitude engendrée par la douleur. C’est elle qui te tue à petit feu (…). Et qui réveille ce qu’il y a de pire en toi. » (p. 252) Alors son ennemi lui offre une bouteille pour fêter leur première rencontre et « (…) il trinqua avec l’ennemi invisible à qui il avait porté le premier coup d’épée. » (p. 117) mais pour chacun, qu’y a-t-il de pire ? « L’ennemi, c’est la peur. » (p. 134) Et comment se comporter vis-à-vis d’un ennemi ? « (…) il avait à la fois envie de le provoquer et de le protéger, de l’aider et de le fuir. » (p. 241)

Et dans les rares moments d’émotions, une trace d’espoir frôle nos vies, à peine perceptible, comme un encouragement à continuer notre route : « (…) un ange passa dans la lumière et effleura de ses ailes les derniers rayons du soleil d’hiver. » (p. 160)

L’amour est paradoxal : « Mais un amour qui vous fait souffrir à en crever est-il vraiment un amour ? » (p. 214) « Mais aussi l’envie de lui rendre le mal » (p. 221) parce que l’autre nous a fait du mal, est-ce encore de l’amour ?

Avec l’amour, il faut oser au bon moment, ne pas se croire persécutée ou douée pour le malheur, alors « (…) elle était décidée à prendre le risque d’être heureuse. » (p. 237)

La réconciliation intergénérationnelle apporte une paix sans mot : « Et pour la première fois en trente-trois ans, un père et sa fille purent se blottir dans les bras l’un de l’autre. » (p. 279)

Hors des doutes, des violences, des rancunes, des séparations, hors des carcans qui l’étouffent, des meurtres qui le tuent, l’amour essaie de ne pas mourir : « Que reste-t-il, de t’avoir aimée ? (…) » chante Charles Aznavour (p. 337). Alors l’impensable peut survenir comme le franchissement d’une certaine mort pour revenir à la vie : « Tu vas voir si j’ai peur de venir te chercher… » (p. 353) pour « Seulement être avec elle. Pour l’éternité. » (p. 371)

 

22 et 23 juin 2010

Catherine RÉAULT-CROSNIER