POÈTE À DÉCOUVRIR

 

CLAUDE ROY : POÈTE ET HUMANISTE (1915 - 1997)

 

 

Sa vie :

Claude ROY est né à Paris, le 28 août 1915. Il est d’ascendance charentaise et espagnole. Il fait des études de droit et en même temps de petits métiers, "gagne-pain incertains".

Prisonnier pendant la guerre de 1940, il s’évade et commence à écrire des poèmes. Il devient correspond de guerre et adhère au parti communiste (avec lequel il rompra en 1957, après l’insurrection hongroise).

À la libération, il écrit comme journaliste et côtoie des artistes et des intellectuels, par exemple Aragon, Eluard, Mauriac, Picasso, Vittorini, Paulhan, Anne et Gérard Philippe, ...

En 1958, il rencontre l’amour sous les traits de Loleh Bellon qu’il va célébrer dans ses œuvres. Il voyage : Italie, Chine, URSS, USA, Europe de l’Est, Israël. Il refuse la guerre coloniale et signe le manifeste contre la guerre d’Algérie. Puis vient le temps de la maladie ; il accède à son intime vérité et écrit des poèmes surprenants par leur profondeur et leur sérénité.

En 1985, il reçoit le premier Goncourt de poésie de l’Académie Goncourt. Il incarne la grande tradition française d’humanisme, de curiosité incessante et de culture. Sa poésie était pour certains, comparée à celle d’Éluard mais Claude ROY n’est pas que poète, il écrit aussi des romans, des essais, des chroniques, des mémoires, des récits de voyage, des livres pour enfants. Voici d’une manière chronologique, ses principales œuvres :

En 1949, son premier roman, "La nuit est le manteau des pauvres" et la même année, un recueil de poèmes, "Poète mineur".
En 1952, "Stendhal par lui-même".
En 1953, "Le commerce des classiques".
En 1958, un roman, "Le malheur d’aimer".
En 1963, un roman, "Léone et les siens".
En 1965, "Trésor de la poésie chinoise", sorte d’anthologie de poètes chinois qu’il a traduits pour les faire connaître.
En 1968, "Défense de la littérature", "La dérobée".
En 1969, "Moi, je", sorte d’autobiographie.
En 1970, "Poésies" chez Gallimard.
En 1974, "Enfantasques", fables pour enfants.
En 1976, "Somme toute", autobiographie.
En 1977, "La maison qui s’envole", histoire.
En 1978, "Nouvelles enfantasques", poèmes et collages.
En 1979, "Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?", sorte de testament ; "La traversée du pont des Arts", roman.
En 1980, "C’est le bouquet", histoire ; "Nous", autobiographie.
En 1982, "Le chat qui parlait malgré lui", histoires.
En 1983, "Permis de séjour", inventaire créé entre 1977 et 1982, où il parle du cancer qui l’atteint et de la menace mortelle qui plane sur lui ; "Les animaux très sagaces", histoires.
Pendant l’hiver 1983, "À la lisière du temps" comprenant plusieurs ensembles de poèmes, édités chez Gallimard.
En 1985, "Temps variable avec éclaircies", ensemble de maximes.

Il meurt en décembre 1997, à 82 ans.

 

Sa poésie :

Claude ROY est poète mais son style ne peut pas être cantonné à la poésie car il a aimé utiliser des moyens d’expression très variés ; il a choisi la multiplicité des moyens pour mieux transmettre son message. Poèmes ou prose, de ses mots, naissent des images, des émotions.

Claude ROY se sent universel puisque son ascendance est à la fois française et espagnole, qu’il a approfondi la poésie chinoise jusqu’à en faire un recueil, qu’il refuse le colonialisme pour que chaque peuple garde son expression.

Dans "Trésor de la poésie chinoise", il nous parle en particulier de Li Po (701-762) et de Tao Ming (IV° siècle).

De lui à l’univers, de l’univers à lui, il n’y a qu’un pas puisque Claude ROY aime à confier ses sentiments intimes ayant écrit trois autobiographies, "Moi, je", "Nous", "Somme toute". Le récit de sa vie est fort étrange comme dans "Somme toute" où il se pose de nombreuses questions :

"Ai-je rêvé que je pleurais ? Ai-je rêvé que j’étais mort ?
Et maintenant est-ce la pluie sur cette joue ou les larmes que
j’ai rêvées ? 

( ... )

Écoute Est-ce le vent ? Était-ce moi ? Une heure sonne

Ce n’est que moi Ou bien le vent Ou bien personne"

L’univers, il le découvre à travers de nombreux voyages et en dégage des réflexions pour l’humanité entière comme par exemple :

"Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?
L’eau qui s’en va vers la mer
sans savoir que la mer est là."

Même à la fin de sa vie, il restera amoureux de l’amour et des choses de la vie. Il aime écrire pour les enfants car il peut rêver ; les enfants ne se lassent pas de ses fables délicieuses où il sait si bien jouer avec les mots :

Bestiaire du coquillage

"Si tu trouves sur la plage
un très joli coquillage
compose le numéro
OCÉAN O.O

Et l’oreille à l’appareil
la mer te racontera
dans sa langue des merveilles
que papa te traduira."

Il est amoureux de la vie sous toutes ses formes, en particulier l’eau, les animaux - l’écureuil mais surtout le chat- :

"La chatte au pied de mon lit considère
l’espace vide et blanc du mur Elle voit
quelque chose que je ne vois pas"

Sa douceur le conduit à écouter, même le silence :

"L’ÉCOUTE-SILENCE

Écouter ce que dit le vent quand il ne dit plus rien
( ... )
Le silence dit que le silence
écoute couler la source du chant"

S’il se pose des questions, Claude ROY les confie au papier, n’hésitant pas dans son style simple et limpide à jouer avec les mots ou à philosopher selon le cas, sans être gêné par l’alternance :

"Les corridors

La petite Anne, quand elle dort,
   où s’en va-t-elle ?
Est-elle dedans, est-elle dehors,
   et que fait-elle ?
( ... )
L’autre dort et une a des ailes,
Anne dans son lit, Anne dans le ciel."

Eh bien oui, avec Claude ROY, on peut rester enfant et être aussi très sérieux d’une manière énigmatique et romantique comme par exemple dans "C’est toi" (À la lisière du temps) :

"Dans les intervalles de silence du vent
les paroles pressées de l’eau qui dévale
sa fraîcheur le long du sentier de montagne

c’est toi fraîcheur pensive de ma vie"

Claude ROY veut dire oui à la vie sans restriction. Son sens de l’humour, des jeux de mots, lui permet de faire un pied de nez à l’approche de la mort, d’une manière déroutante et inhabituelle. À la mort qui le taquine et est présente comme une faux au-dessus de sa tête, il réagit par son envol dans le monde du rêve :

"Avec une clef de cristal
ouvrir une serrure de givre"

"Qu’il serait bon d’être comme eux
Ceux qu’on aime au secret du nid
de grandes ailes dans le ciel
et puis se cacher tout petit"

Même s’il veut effacer la mort qui approche, il demande protection à la nature. Il a heureusement une femme présente à ses côtés. Il dit de l’art comme de l’amour :

"Ce n’est pas le passe-temps qui m’intéresse,
C’est le dépasse-temps".

Dans ses romans, il affectionne les constructions savantes, l’élan vers l’impossible bonheur. Cette tendance est contrebalancée par ses écrits humoristiques.

Chez Claude ROY, il y a deux facettes, l’homme sérieux, le penseur philosophe et le poète rêveur qui veut rire de tout, jouer avec les mots comme dans "L’oiseau" :

"À quoi bon se fracasser
dit l’oiseau sachant chanter
au chasseur sachant chasser
qui voulait le fricasser.
( ... )"

(Extraits d’Enfantasques)

Derrière sa légèreté d’écriture, Claude ROY reste un poète profond, qui, jusqu’au bout de sa vie, même sur son lit d’hôpital, a continué d’écrire d’émouvants poèmes dans la paix de la nature. C’est un être passionné d’écriture qui nous dit :

"Je touche à tout parce que tout se tient."

 

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

10.03.1998

 

 

Bibliographie :

Claude ROY, un poète, Éditions Folio Junior, 1985
Claude ROY, À la lisière du temps, Éditions Gallimard, NRF, 1985