"Mur de poésie de Tours" 2002 - Poètes dont une rue de Tours porte le nom

 

IV

1664

À M. L’ABBÉ LE VAYER

LES FOLIES HUMAINES

 

J’approuve son courroux ; car, puisqu’il faut le dire,
Souvent de tous nos maux la raison est le pire.
C’est elle qui, farouche au milieu des plaisirs
D’un remords importun vient briser nos désirs.
La fâcheuse a pour nous des rigueurs sans pareilles,
C’est un pédant qu’on a sans cesse à ses oreilles,
Qui toujours nous gourmande, et, loin de nous toucher,
Souvent, comme Joli (1), perd son temps à prêcher.
En vain certains rêveurs nous l’habillent en reine,
Veulent sur tous nos sens la rendre souveraine,
Et, s’en formant en terre une divinité,
Pensent aller par elle à la félicité :
C’est elle, disent-ils, qui nous montre à bien vivre.
Ces discours, il est vrai, sont fort beaux dans un livre :
Je les estime fort ; mais je trouve en effet
Que le plus fou souvent est le plus satisfait.

 

(1) Illustre prédicateur, alors curé de Saint-Nicolas des Champs, à Paris, et depuis évêque d’Agen.

 

Extrait de « Satires »

 

Nicolas BOILEAU, dit DESPRÉAUX

(1636 - 1711)

 

Né à Paris, cet écrivain français écrivit d’abord des poèmes satiriques à la manière d’Horace (« Satires ») puis moraux (« Épîtres »). Il fut un chef de file dans la querelle entre les Anciens et les Modernes. Il contribua à fixer l’idéal littéraire du classicisme (« Art poétique », « Le Lutrin »).

 

Une rue de Tours porte son nom.