"Mur de poésie de Tours" 2005

Poètes dont une rue de Tours porte le nom

 

LE SOIR, DANS UNE VALLÉE

 

Déjà le soir de sa vapeur bleuâtre
Enveloppait les champs silencieux ;
Par le nuage étaient voilés les cieux :
Je m’avançais vers la pierre grisâtre.

Du haut d’un mont une onde, rugissant,
S’élançait : sous de larges sycomores,
Dans ce désert d’un calme menaçant,
Roulaient les flots agités et sonores.
Le noir torrent, redoublant de vigueur,
Entrait fougueux dans la forêt obscure
De ces sapins, au port plein de langueur,
Qui négligés comme dans la douleur,
Laissent tomber leur longue chevelure,
De branche en branche errant à l’aventure.
Se regardant dans un silence affreux,
Des rochers nus s’élevaient, ténébreux.
Leur front aride et leurs cimes sauvages
Voyaient glisser et fumer les nuages :
Leurs longs sommets, en prisme partagés,
Étaient des eaux et des mousses rongés.
Des liserons, d’humides capillaires,
Couvraient les flancs de ces monts solitaires ;
Plus tristement des lierres encor
Se suspendaient aux rocs inaccessibles ;
Et contrasté, teint de couleurs paisibles,
Le jonc couvert de ses papillons d’or,
Riait au vent sur des sites terribles.

Mais tout s’efface ; et surpris de la nuit,
Couché parmi des bruyères laineuses,
Sur le courant des ondes orageuses
Je vais pencher mon front chargé d’ennui.

 

Extrait de « Poésies de 1784 à 1789 - Tableaux de la nature »

 

CHATEAUBRIAND

(1768 - 1848)

 

Nourri dès son enfance de mélancolie, François René, vicomte de CHATEAUBRIAND publia avec succès « Atala » puis « René », œuvre caractéristique du romantisme. Son « Génie du christianisme », vaste apologie religieuse, lui ouvrit une carrière diplomatique. Se retirant après la révolution de juillet, il se consacra à la rédaction de ses « Mémoires d’outre-tombe », portrait de son époque.

Un mail de Tours porte son nom.