"Mur de poésie de Tours" 2006

Poètes d'Afrique

 

FEMME JE SUIS

 

Je voudrais oser dire, ce que tu as vu taire
Je suis la femme, la sœur, la mère, celle qui vit à coté
Dans tes yeux dont l’éclat a terni avec l’âge
Les yeux de cet enfant, qui fut mon petit frère
Je voudrais allumer ma flamme et reconnaître ton âme
Mes yeux ont tant veillé pour que l’ange sommeille
Contemplant son front pur, balayant ses cauchemars
Mes mains ont tant erré sur des objets sans vie
Pourchassant tes délires, préparant ton repos
Mon cœur a attendu, tes retours du soir
Après une dure journée, après tous tes labeurs
Bien souvent tu l’ignores, j’en oubliais les miens
Aujourd’hui tu nies et omets jusqu’à mon existence
Car tu ne vois en moi que l’ennemie de demain
Magnanime je fus et toi tu n’as su voir
Qu’une faiblesse quelconque au gré de ta crédulité.
Sculptée par les siècles, toujours là pour second
Quelques soient les enjeux, quelque soit le combat
La religion sacrée adule le vrai, le beau, et la fertilité,
Mais je suis devenue à coups de prêches sanglants
Cette œuvre de Satan, moi créature de Dieu
Je voudrais regarder les hommes dans les yeux,
Leur dire ma compassion, passion, mansuétude,
Au nom de toutes les femmes qu’ils auraient ignorées,
Dans leurs yeux, j’allumerais un cierge, que leur âme s’y reflète
S’effaçant d’effroi, le superbe laissera souvent place
À l’infiniment petit dans toute sa vérité.
Souvent vêtus de vertus qu’ils ne se connaissent pas,
D’apparats inutiles, faux-fuyants ridicules,
Ils prétendent le bien et dévoilent le terne éclat du mal.
Croyant à leur monde à hauteur de leur petitesse,
Ils ne voient pas le nôtre, le vrai, échelle plus immense.
À regarder trop bas, on perd ses dimensions
Et les repères soudains emportés par les vagues
Les laissent désarmés, béats c’est leur néant.
Ils se sont condamnés à le regarder à travers leur lucarne,
Ils en calculent l’espace, j’ai tout mon infini,
Ils en espèrent la lueur et moi j’ai le soleil.
À trop vouloir rester petit, ils étouffent et ils meurent
De leurs minables exploits, de leurs vils coups bas.
Et là haut, des hommes se battent pour qu’émerge la vie,
Pour que l’enfance sourit, et la femme couronnée.

 

Saliha ZEBOUDJ

Algérie.

 

Saliha ZEBOUDJ est enseignante à l’École Nationale Polytechnique d’Alger.