"Mur de poésie de Tours" 2006

Poètes français

 

RETRAITE

 

Je n’avais pas choisi mon poste de combat
Et si j’ai déserté le vieux chantier du monde
C’est que j’espère encore des ultimes secondes
Qu’elles me permettent enfin d’échapper au tracas.

J’ai toujours bourlingué en voyageur distrait
Car le lièvre traqué a beau changer de gîte
Il ne saurait trouver au thym beaucoup d’attrait
Quand il s’épuise en vain à embrouiller la piste.

Désormais les saisons ne restent plus atones
Je reçois en onction les crachins de septembre
Quand s’allument à nouveau les âcres feux d’automne
L’air me rend des couleurs que je croyais exsangues.

Je suis seul à savoir l’enclave d’un grand pré
Où palombes et pies s’assemblent en ménage
Aux rumeurs de la ville se mêle leur ramage
Que nous porte le vent chroniqueur indiscret

J’aimerais bien y vivre en jardinier secret
Je puis m’accommoder d’un modeste cottage
Je donnerais mes fruits aux oiseaux de passage
Et je les laisserais s’abreuver au baquet

Mais je n’ai pas d’argent pour bâtir un logis
Il me faut renoncer à tout échafaudage
Et la seule émotion qu’humblement j’envisage
C’est le bonheur d’un chien qui marche sous la pluie.

 

Bourges, 21 septembre 1990

 

Pierre FROMAGEOT

8, rue de Mazières
18000 BOURGES

 

Membre de l’Académie Berrichonne.