3èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES

Vendredi 10 août 2001, de 17 h 30 à 19 h

 

 

GUY DE TOURS,

poète contemporain de RONSARD

(vers 1551 - ?)

Le kiosque des Prébendes à Tours, dessiné par Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Vous ne trouverez pas le nom de GUY DE TOURS dans les dictionnaires usuels. Pourtant cet écrivain m’intrigua dès le premier poème que je lus de lui et j’eus envie de connaître cet homme du XVI° siècle qui avait choisi le nom de Tours comme nom de poète. De plus, même s’il fait l’éloge de son contemporain RONSARD, il en diffère par une expression profonde et personnelle et une originalité propre, ce qui éveilla ma curiosité. La diversité des thèmes qu’il aborde, évite un phénomène de lassitude. La richesse de son vocabulaire y ajoute un intérêt supplémentaire. C’est pourquoi je vais vous entraîner avec moi, à la découverte de ce poète qui, je l’espère, vous séduira.

Pendant la lecture de la rencontre sur Guy de TOURS, le 10 août 2001

Né à Tours vers 1551, GUY DE TOURS fut avocat au siège présidial de Tours. Il se présente ainsi :

« (…)
Dy-luy que je prins naissance
Dedans Tours, jardin de France
Et ville de hault renom,
Où encores on void l’urne
De ce vaillant prince Turne,
Dont elle tire son nom.
(…) »

Extrait de « L’autheur a son livre ».

Dès à présent, le lecteur peut constater que ce poète est attaché à sa ville natale puisqu’il nous confie :

« Ville de Tours, honneur de ma naissance, »

Extrait « Le premier livre des souspirs amoureux - VII ».

Amoureux de la Touraine, il a aussi su apprécier la Loire, même si elle n’était pas à l’époque, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il avait déjà su voir sa beauté profonde :

« Loire qui vas de ton onde vitrée

Razant les murs de ma ville de Tours,
Et qui conduis, sans faire aucuns destours,
Tes flots chenus au sein de la Marée,

Si tu vois plus, sur ta rive dorée

D’un beau sablon, s’esgayer de maints tours
Cette beauté, source de mes amours
Et des tourments qui m’ont l’ame esgarée ;

Je te supply, d’un murmure adoucy,

Luy raconter le penible souci
Qui pour l’aimer incessamment m’affole.

Si tu me fais une telle faveur,

Par mes escrits je feray ton honneur
Tel que celuy de Gange et de Pactole. »

Extrait de « Le second livre des souspirs amoureux de GUY DE TOURS - XXVIII ».

Chanter la nature est une chose, mais GUY DE TOURS veut aussi être un disciple de RONSARD et louer en vers, les belles qu’il a rencontrées comme par exemple Claudine, l’une de ses maîtresses successives, dans un poème empli de fraîcheur :

« Comme l’on voit autour d’une fleurette

Voller en may cent mille papillons
Qui au bransler de leurs esventillons
Animent l’air d’une haleine doucette ;

Ainsi voit-on mainte troupe douillette

D’Amours, voller autour des vermillons
Et des regards et des beaux tortillons
De ma mignarde et chere Claudinette.

Comme l’on voit à l’entour de Cypris

Les doux appas, les graces et les ris
La mignardise et tout autre délice

Ainsi voit-on telles divinitez

Tout à l’entour des parfaitez beautez
De la Claudine à qui je fais service. »

Extrait de «  Souspirs amoureux en faveur de sa Claude - VII ».

Je ne peux pas m’empêcher de rapprocher ce poème d’un sonnet de RONSARD :

« Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose

En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :

La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,

Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ;
Mais battue ou de pluie ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose.

Ainsin en ta première et jeune nouveauté,

Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,

Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses. »

Extrait de « Les Amours - Seconde partie sur la mort de Marie - III ».

GUY DE TOURS publia tout d’abord, « Les premières œuvres poétiques et souspirs amoureux » en 1598. Sa poésie est empreinte d’une préciosité habituelle et appréciée à cette époque. Voici le début d’un poème qui sert d’introduction à la première partie de son livre intitulée « Le Paradis d’amour », poème dédié « Aux nymphes de Tours », c’est-à-dire aux galantes qu’il a rencontrées à Tours :

« Amour m’a commandé de luy construire un temple
En l’azur de mes vers, sur le divin exemple
De celuy qu’il bastit à la belle Psyché
Lorsque de sa beauté son cœur estoit touché.
Muses, c’est maintenant qu’il me faut faire un offre
Des plus riches tresors qui soient dans vostre coffre.
(…) »

Ce style-là convenait très bien à son temps. Il a la valeur d’être le témoin des goûts d’alors. Bien sûr, notre sensibilité actuelle appréciera plus sa fougue de louanges à sa terre natale :

« Ville de Tours, honneur de ma naissance,

Ne pense pas que pour tant de bons fruicts
Qu’abondamment tous les jours tu produicts,
Dicte tu sois le jardin de la France.

Pour ce sujet tu n’as la jouyssance

D’un tel honneur, qui fait que tu reluis
Par tout le monde et qu’icy tu jouys
D’un los, sur qui le trespas n’a puissance.

Sont les beautez de ceste Ente, mon Tours,

A qui, loyal, j’ay voué mes amours,
Qui te font vivre en une telle gloire :

Sont ses beautez qui sont ces belles fleurs

Et ces bons fruicts qui font de tels valeurs
Sont pour jamais au temple de Memoire. »

Extrait « Le premier livre des souspirs amoureux - VII ».

Ce poème est le cri de l’âme. Il montre bien que ce n’est point un hasard si ce poète a choisi pour nom, la ville de Tours. Son père, procureur au siège présidial de Tours, s’appelait MICHEL GUY. Il a donc associé une partie du nom de son père « GUY » à la ville de Tours pour devenir connu en tant que poète sous le nom de GUY DE TOURS.

Revenons aux maîtresses de GUY DE TOURS : durant les cinq années que durèrent les guerres du roi Henri IV pour conquérir le trône, il eut pour amie, une certaine Anne qui

« naquit à Tours
Au milieu du printemps, lorsqu’entre les fleurettes
Les divers oisillons content leurs amourettes,
Que le ciel rid en moy … »

Celle-ci lui inspira des poèmes emplis de fraîcheur et d’amour printanier. D’où naquit le livre « Les premières œuvres poétiques et souspirs amoureux » d’où est extrait ce passage :

« Sa belle et délicate jouë

N’est autre chose qu’un œillet,
Qui tout odorant et douillet,
Dedans un plat de cresme nouë.

Il me souvient d’une grenade

Riante au soleil automnal,
Quand je voy le double coral
De sa bouche où Amour panade. »

(…)

« Cet œil qui s’eleve à l’égal

D’un front d’yvoire et de cristal
Noüant d’une douceur benine
Dessous une voute ebenine,
Hier mille traits me darda,
Quand mon Anne me regarda.

Mais quoy ! ces mille traitz, au lieu

De m’offenser, ont au milieu
De mon cœur peint de la cruelle
Mille fois la figure belle,
Si que mon cœur, de tous costez
N’est qu’un Paradis de beautez. »

Extraits de « Le second livre des soupirs amoureux - Chanson ».

GUY DE TOURS loua encore beaucoup de belles dont Catherine de BAUDRY dont voici un portrait dressé avec beaucoup de finesse et de belles images comme celle des graines d’anis ou des perles rares pour ses dents :

« Pour la dernière assieds cette humble CATHERINE
Du surnom de BAUDRY. Jamais conque marine
Ne fut plus delicate et fust-ce celle-là
Dans laquelle Venus en Cythere coula.
Jamais rive ne fut en may plus fleurissante ;
Jamais fueille de lys ne fut plus blanchissante,
Et jamais or ne fut plus blond et plus luisant
Que ses cheveux tressez sur son front si plaisant ;
Jamais coral ne fut si vermeil que sa bouche,
Où personne que moy en liberté ne touche,
Bouche pleine d’anis, qui découvre en riant
Plus de tresors perleux que ne fait l’Orient. »
(…)

Extrait de « Le Paradis d’amour ».

« Le Paradis d’amour » est un curieux poème d’au moins huit cent vers, dédié aux « Nymphes de Tours » et dans lequel il vante avec force épithètes les jeunes beautés de sa ville.

 

Comparons GUY DE TOURS à son poète favori. Si RONSARD se vit vieillir prématurément, perdre dents et cheveux vers la trentaine, il a su dire à ses belles de profiter de chaque instant qui passe avant d’atteindre la vieillesse, comme dans ce sonnet pour Hélène (extrait des « Amours », IX) :

« Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise au coin du feu, devisant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant,
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux, je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain :
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »

À l’exemple de RONSARD, GUY DE TOURS aborda l’angoisse devant la fuite du temps, comme dans « Le Paradis d’amour » :

« Race Deucalienne, ames faites de fer,

Que jamais ces beautez ne peuvent échauffer
De ma gentille ardeur, et vous, o surannées,
Qui sans fleur et sans fruict consommez vos années,
Dont les yeux sont ternis et les fronts sillonnez
De rides et de plis et les chefs grisonnez ;
Dont jà la dent se creuse et l’aleine s’infecte
Et la bouche blêmie abondamment s’humecte
D’une gluante odeur, n’approchez de ce lieu :
Telle est la volonté d’amour ce puissant Dieu.

Mais vous qui languissez en l’amour de ces anges,

Approchez et venez entonner mes louanges,
Dans ce temple sacré à ma divinité,
Et là vous immoler en toute humilité,
A celles qui vous ont rangez sous ma puissance
Sans faire à leurs beautez ni à moy resistance.
Venez ! je vous promets qu’en bref vos passions
Et vos maux finiront par leurs compassions.
(…) »

Ce même thème est repris dans « Mignardises » :

« Ainsi, ma deesse mignonne,
Pendant que nostre age fleuronne,
Esjouirons nostre printemps
De tels amoureux passetemps :
La mort douteuse et la vieillesse
Nous invite à telle liesse. »

RONSARD a également écrit des poèmes érotiques; GUY DE TOURS a eu aussi cette tendance sans jamais tomber dans la vulgarité. C'est une autre facette de ce personnage qui ne manque jamais d'imagination pour associer mots et idées. Voici un extrait de cette tendance dans son livre « Le Paradis d'amour - Aux nymphes de Tours » :

« Qu’il fait bon veoir son teint d’aiglantines couvert ;
Qu’il fait bon veoir son œil à demy entr’ouvert
Et de son poil douillet la brunette crespine,
Et de son pied flatté la démarche poupine.
Ah ! qu’il fait bon ouyr de sa bouche d’œillets
Les propos animans deux couraulx vermeillets.
(…) »

Ou encore un autre passage extrait de « Mignardises » qui n’est pas sans rappeler un autre poète de son époque, Marc PAPILLON DE LASPHRISE :

« Veux-tu bien, mon petit œil,
Mon petit bouton vermeil,
Ma petite pasquerette,
Ma petite violette,
Mon petit passevelours,
Mon amitié, mes amours,
Veux-tu bien que je te baise ?
Et qu’en te baisant j’appaise
La violence du feu
Qui me brusle peu à peu !
Veux-tu bien que je t’accole
Et qu’un petit je recole,
D’une gaillarde amitié,
Ma moitié dans ta moitié ?
Dy, le veux-tu bien, Nérée,
Plus belle que Cythérée,
Dy, nymphe, le veux-tu bien ?
Ouy, puisque tu n’en dis rien.
Bien souvent on n’ose dire
Cela que plus on désire
Et bien souvent ce qui plaist
Secretement on le taist :
Sur toute chose le taire
En amour est salutaire. »

Si cette poésie peut paraître osée, elle était habituelle à cette époque et elle est aussi tout en finesse et suggestion ce qui lui donne un charme supplémentaire. GUY DE TOURS aime à écrire des poèmes à tendance érotique mais toujours avec discrétion. L’érotisme y est latent, voilé, esquissé et donc plus subtil et jamais grossier. Il ne voit pas de mal à parler de notre écorce charnelle et il écrivit en particulier une série de sonnets qui sont chacun une louange à une partie du corps : les cheveux, le front, les yeux, les oreilles, les joues, la bouche, le col, la gorge, les mains, le ventre, les jambes, les pieds. Rien de trop crû mais toujours un éloge global à la beauté humaine avec beaucoup de finesse et d’esprit. En voici un intitulé « Aux oreilles » et extrait de « Le premier livre des souspirs amoureux » :

« O belle, jeune et rondelette oreille,

Dont le destour en ovale formé
M’a mille fois en therme transformé,
Voyant de près ta céleste merveille !
Trois, quatre fois je te supply, ne vueille
Qu’à mes hélas ton pertuis soit fermé.
Piteuse entend de mon cœur enfermé
Dans tes detours la douleur nompareille.

Si tu daignois un quart d’heure escouter

Les cruautez qu’Amour me fait gouster,
En t’adorant, belle oreille, j’estime

Que je pourrois rencontrer à la fin

De mes travaux la souhaitable fin
Et que mon vieil s’accord’roit à ma ryme. »

 

GUY DE TOURS n’a pas seulement été un poète épicurien puisqu’il a su s’engager par ses vers, dans la vie de son époque, aussi bien au niveau politique que religieux, par exemple dans « Les Meslanges », il n’a pas hésité à dédier un sonnet au roi Henry IV :

« A MESSIEURS DE TOURS, POUR LES FEUX DE JOYE QU’ILS FIRENT DE LA CONVERSION DU ROI HENRI IV, QUI FUT LE 25° JOUR DE JUILLET 1592.

Essuyons-nous les yeux mouillez de tant de pleurs

Qu’avons depuis cinq ans versé sans intervalle ;
François, ne montrons plus un visage si palle
Et tout à fait chassons nos ameres douleurs.

Il ne faut plus trembler ; c’est fait que des Ligueurs ;

Car de nostre bon Roy la majesté royalle
Accomplist aujourd’huy sa promesse loyalle,
Se faisant catholique et quittant ses erreurs.

Sus donc, loyaux François, sus ! d’une saincte bouche,

Rendons graces à Dieu, qui jusqu’a l’ame touche
Nostre Roy valeureux, son plus cher favory.

Sus donc, qu’il n’y ait lieu exempt de feux de joye,

De danses, de festins et que partout on oye
Joyeusement crier : VIVE LE ROY HENRY ! »

Son engagement politique ne l’empêche pas de savoir louer les poètes de son époque et surtout RONSARD pour lequel il gardera toujours une admiration absolue comme en témoigne les deux poèmes suivants à sa louange :

« AU JARDIN DE DEFFUNCT MONSIEUR DE RONSARD, PRINCE DES POÈTES FRANCOIS

Heureux jardin, où la plus belle Muse

Qui ait jamais en la France habité
A les amours de Cassandre chanté,
Estant au cœur du grand Ronsard infuse.

Il m’est advis, quand mon esprit s’amuse

A concevoir quelle felicité
Tu recevois de telle Deïté,
Que je suis Dieu, tant ce penser m’abuse.

O beau jardin, s’il te demeure encor

Quelque tresor d’un si rare tresor,
Enrichis-en ma muse peu vantée,

A celle fin que nos plus tards nepveux

Puissent sçavoir que j’estois un de ceux
Qui de Ronsard ont leur gloire empruntée. »

Extrait de « Les Meslanges ».

Dans « Les Epitaphes », le premier poème est aussi consacré à RONSARD, « Roy des poetes françois » :

« Il ne faut plus aller dessus Parnasse

Boire de l’eau, ny dormir au profond
De l’antre creux où les neuf Muses sont,
Pour estre faict aussi docte qu’Horace.

Il ne faut plus, pour esmouvoir en Thrace

Encore un coup les montagnes qui font
Esmerveiller les Astres de leur front,
Suyvre Apollon et son fils à la trace.

Il faut sans plus venir devotement

S’agenouiller dessus ce monument
Et prier Dieu sur le corps qu’il enserre

Et dire ainsi : o Seigneur tout-puissant,

Aymes l’esprit de ce corps pourrissant
Autant la haut que tu fis en la terre. »

GUY DE TOURS est donc un poète qui sait s’engager dans la vie, aussi témoigner de sa douleur lorsqu’il perd des êtres qui lui sont chers comme son père et confier l’intensité de son émotion dans ce poème extrait de « Les Epitaphes » :

« De deffunct Michel Guy mon pere, vivant procureur
Au siège presidial de Tours, qui deceda le x jour
De Fevrier 1595 âgé de LXV. ans.

L’OMBRE AU PASSANT

Michel Guy n’est pas mort, comme pense l’ignare.

L’homme ne tombe point au fond du monument.
Ce qui de l’homme meurt n’est l’homme aucunement,
Ains un pesant fardeau duquel il se separe.

Le vray homme est l’esprit. Donc, Passant, ne t’egare

Jusques à là d’enter en ton entendement
Que Michel Guy soit mort : il est au firmament
Où, comme un astre clair, il reluit nouveau phare.

(…) »

Ce poète pleure son père sans s’apitoyer sur son sort car il sait que ce sera le sien. Il ose alors rire « de luy-mesme » dans une veine toute rabelaisienne, dans « Les Épitaphes » :

« DE LUY-MESME

L’OMBRE PARLE AU PASSANT

Ne pleure dessus ce tombeau,
Passant, car le corps qu’il enserre
Fut ennemy mortel de l’eau
Tant qu’il vesquit dessus la terre.
Ce seroit troubler son sommeil
Et augmenter son purgatoire
Que de luy donner au cercueil,
Au lieu de vin, de l’eau à boire. »

Extrait de « Les Epitaphes ».

 

GUY DE TOURS peut être tour à tour, moraliste, philosophe, humoriste, ironique. Il fait un pied de nez à la mort qui l’attend et ne veut pas la prendre au sérieux :

« DE SCAY BIEN QUI

Cy-gist, froidement estendu
Un qui pour s’estre morfondu
Au soir attendant une Dame,
A huict jours de là, cracha l’ame. »

Extrait de « Les Epitaphes ».

 

 

GUY DE TOURS mérite de sortir de l’oubli. Il a mis sa plume à l’œuvre dans le « Le Paradis d’amour » et il y a tracé maints portraits de femmes, une vraie galerie ! Dans ces miniatures poétiques, le poète a su varier les styles pour ne jamais lasser. Avec « Les Mignardises amoureuses », il a su peindre l’amour idéal, dans son ardeur juvénile ; c’est toute l’effervescence d’une passion qui déborde…

 Puis dans « Les Meslanges », il a voulu traiter de sujets divers et aussi faire l’éloge de son roi.

Dans « Les Epitaphes », il n’a pas oublié ses amis, son poète préféré, Ronsard, sa famille et sa douleur devant la mort d’êtres chers, démontrant s’il n’en était encore besoin, sa grande sensibilité.

Il a voulu ironiser sur son sort en créant sa propre épitaphe. Lui qui a voulu railler la mort, elle a pris un jour sa revanche et lui a répondu par un pied de nez en refusant de nous livrer la date de sa mort. Personne ne la connaît. On sait quand il était encore vivant… en 1611, date à laquelle il publia à Paris un roman chez Gilles Corrozet, « Les Amours de Paris et de la Nymphe Oenone ». On suppose qu’après la mort de son père, il quitta Tours pour finir sa vie à Paris.

Connu en son temps, GUY DE TOURS mérite de ne pas mourir encore tout à fait et peut-être même, grâce à nous, de ressusciter par ses écrits à l’exemple de RONSARD !

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Bibliographie :

GUY DE TOURS, « Premières œuvres poetiques et souspirs amoureux », préface de Prosper BLANCHEMAIN, Paris, 1878, Léon WILLEM éditeur

GUY DE TOURS, « Le Paradis d’amour, les mignardises amoureuses, meslanges et épitaphes », préface de Prosper BLANCHEMAIN, Paris, 1878, Léon WILLEM éditeur

Le Magazine de la Touraine, « Le gratin tourangeau », numéro hors série, 4ème trimestre 2000

Pierre de RONSARD, « Les Amours », éditions France Loisirs, Paris, 1984