4èmes Rencontres littéraires des Prébendes à TOURS

 

INTERVIEW de CATHERINE RÉAULT-CROSNIER

par Isabelle DORSEAU,

DIFFUSÉE SUR FRANCE BLEU TOURAINE (98,7),

 

le mardi 20 août 2002 à 12 h 40 (rediffusée le même jour à 18 h 40)

 

 

12 heures 40, France Bleu, France Bleu, France Bleu Touraine…

ID : Et nous allons parler littérature aujourd’hui puisque ce vendredi, ce sont les quatrièmes rencontres littéraires au jardin des Prébendes. Tous les vendredis d’été en fait, on a pu assister à ces rencontres autour de différents thèmes. Catherine Réault-Crosnier, bonjour.

CRC : Bonjour.

ID : Vous êtes l’initiatrice de ces rencontres littéraires dans le jardin des Prébendes. Ça se passe de 17 h 30 à 19 h chaque vendredi.

CRC : Voilà.

ID : Et ce vendredi, il va y avoir un thème particulier, c’est Bergson.

CRC : Tout à fait. Bergson, philosophe, hôte de la Touraine.

ID : Avant de rentrer plus avant dans la programmation, j’aimerais qu’on parle un petit peu du début de ces rencontres littéraires, comment vous est venue l’idée de faire ces rencontres ?

CRC : Le jardin des Prébendes, c’est toute mon enfance. J’y passais tous les jours quand j’allais au lycée Balzac et maintenant quand j’y retourne l’été, je trouvais, ce jardin, un peu triste au mois d’août. Les Tourangeaux étaient partis. Je me disais que cela manquait un peu d’animation, que les gens qui étaient là, se sentaient peut-être un petit peu désœuvrés, qu’ils manquaient d’animation et alors je m’arrêtais juste à ce moment-là, devant le buste de Ronsard et moi qui aime la littérature, je me disais, c’est vrai, que l’on pourrait rendre hommage à Ronsard et après je passe devant le buste de Racan alors là, j’ai vraiment eu le déclic. J’ai dit : il faut faire quelque chose. Alors la première année, ça a été sur les traces de Ronsard, Racan, René Boylesve.

ID : Ah, voilà, le décor était fixé.

CRC : La première année, ce n’était pas une rencontre fixe, c’était une promenade, on allait d’un buste à l’autre et après au jardin René Boylesve.

ID : D’accord.

CRC : Mais comme on avait été assez nombreux, on perdait des gens en cours de route, des gens n’entendaient pas très bien parce qu’on ne pouvait pas avoir de sonorisation alors on a fixé au kiosque à musique et en même temps, ça permet en cas de pluie, de pouvoir se mettre sous le kiosque.

ID : Voilà. Ça, c’est intéressant, surtout là, je ne sais pas ce que ça va donner la météo, par exemple vendredi, mais bon, il vaut mieux prévoir une petite solution de repli. Donc le jardin des Prébendes, c’est parce qu’il y avait les bustes de Ronsard, Racan qui vous ont inspirée.

CRC : Et puis le côté littérature en plein air permet l’accès à la littérature à tout le monde. On peut écouter de loin, les micros donnent assez loin, on a le son donc ça permet aux gens qui n’osent pas, qui ne savent pas si cela va les intéresser, d’écouter de loin et puis après de s’approcher, donc c’est aussi pour permettre à des gens qui n’ont pas l’habitude, qui n’oseraient pas aller à une conférence dans une salle fermée, de pouvoir venir et en même temps, ça a un aspect vacances, un petit peu plus important. Ça permet aussi de connaître un peu mieux le jardin des Prébendes qui est magnifique.

ID : C’est tranquille quoi. Comment ça se passe ces rencontres littéraires, vous êtes plusieurs à dire des textes, à expliquer des choses ?

CRC : Oui, on est plusieurs. En général, on est 7 ou 8 poètes différents mais ce ne sont pas toujours les mêmes qui viennent dire les textes, les mettre en valeur aussi bien au niveau côté biographique qu’au niveau côté « extraits de textes » des écrivains dont on parle et donc ça permet d’éviter la monotonie. On change de ton en changeant d’aspect de l’écrivain dont on parle et c’est aussi à mon avis, un avantage supplémentaire.

ID : Oui, c’est vrai que c’est magique d’écouter des textes lus, comme ça, en pleine nature, il y a un aspect bucolique et en même temps qui permet la réflexion, qui permet de se poser, d’avoir un vrai moment de détente.

CRC : Tout à fait. C’est un petit peu comme ça que je le pense. On est beaucoup plus disponible. On est détendu, on doit être paisible, plus heureux et plus prêt à recevoir et puis après à échanger avec le public, à la fin de chaque séance.

ID : Voilà, les gens peuvent venir vous voir et vous dire bon, voilà, moi, par exemple, j’ai bien aimé Bergson puisque c’est ce dont il va être question vendredi.

CRC : Et poser des questions supplémentaires, des interrogations. C’est tout à fait intéressant au niveau de l’échange.

ID : Voilà, c’est important d’insister là-dessus puisque ce sont bien des rencontres littéraires. On vient rencontrer des gens qui sont bien au fait, qui connaissent bien les auteurs qu’ils présentent.

CRC : Nous, on connaît bien mais le public peut connaître ou ne pas connaître.

ID : Oui, oui.

CRC : L’an dernier, Guy de Tours était très peu connu des tourangeaux ; c’est un contemporain de Ronsard et beaucoup de gens nous ont posé des questions sur lui après et étaient passionnés alors qu’en arrivant, il ne le connaissait pas ! Donc c’est aussi pour faire connaître des gens qui… par exemple, pour certaines personnes, on peut penser que la philosophie, c’est ardu et là, c’est traité d’une manière abordable pour tout le monde.

ID : D’accord, et là, il y a une thématique « Touraine » au fil des années ?

CRC : Oui, bien sûr, il y a la thématique « Touraine » ! Je ne suis pas née en Touraine pour rien ! J’aime ma Touraine et j’aime la littérature donc je choisis toujours des écrivains en rapport avec la Touraine ; soit ils sont nés à Tours, soit ils ont vécu à Tours. Donc là, Bergson a fini sa vie à Saint Cyr-sur-Loire.

ID : Donc c’est de lui que nous allons parler…

CRC : Le 23 août et Grégoire de Tours, son nom l’indique déjà, le 30 août, il a vécu quand même de nombreuses années, en tant qu’évêque à Tours.

ID : Les quatrièmes rencontres littéraires au jardin des Prébendes, ça se passe vendredi 23 août prochain de 17 h 30 à 19 h. On continue de parler de tout ça dans un instant, Catherine Réault-Crosnier.

 

(Musique)

 

ID : Nous parlons aujourd’hui des quatrièmes rencontres littéraires dans le jardin des Prébendes qui vont se tenir ce vendredi 23 août avec comme hôte, Henri-Louis Bergson. Catherine Réault-Crosnier, vous qui êtes l’initiatrice de ces rencontres, parlez-nous un peu de Bergson qui va être au centre donc de ses rencontres, vendredi prochain.

CRC : Alors, c’est quand même l’un des grands penseurs spiritualistes du XXème siècle et moi, il m’a toujours beaucoup étonné par sa force de caractère, sa philosophie toujours très optimiste sans être irréaliste et finalement l’un des philosophes les plus à la portée de tout le monde. Il sait très bien expliquer, quand on lit « Le rire »…

ID : Alors voilà, il est très connu pour ça ; il a étudié les mécanismes du rire. Qu’est-ce qui nous amène, nous humains, à rire ? Ça, ça l’a beaucoup intéressé.

CRC : Et puis, c’est très bien parce que finalement, c’est quelque chose qui n’avait jamais été traité en philosophie. Alors il faut d’abord le décortiquer, le rire comme il dit : « Ce qui fait rire, c’est la répétition, le changement, la nouveauté. (…) Est comique tout incident qui appelle notre attention sur le physique d’une personne alors que le moral est en cause. (…) Et un peu plus loin, il dit : Le rire n’a pas de plus grand ennemi que l’émotion. »

CRC : Si l’on est émotif, on ne peut pas rire.

ID : Il faut se décontracter, il faut, oui, se laisser surprendre.

CRC : Voilà et puis on a besoin de rire, ça fait partie de la vie, ça détend, on se sent beaucoup mieux quand on a ri donc il a eu raison de nous montrer que le rire était important dans la vie et que c’est vraiment, malgré que cela ait un côté absurde, indispensable.

ID : C’est justement ce mécanisme de l’absurde qu’il est intéressant de creuser puisque c’est l’absurde qui nous fait rire, ce sont les situations impromptues très souvent.

CRC : Tout à fait, tout à fait. Et puis, il a plusieurs facettes à sa philosophie, bien sûr et moi, j’en ai trouvé une qui m’intéressait beaucoup et que j’ai mis vers la fin, par rapport à la poésie puisque je suis poète et que ce sont aussi mes amis poètes qui viendront lire les textes.

ID : Voilà puisque… On le connaît pour ses écrits, philosophe, il cache aussi un poète, Bergson ?

CRC : Alors, il n’est pas poète, il parle de la poésie. Comme il a analysé le rire, il a analysé la religion, il a analysé l’évolution, les progrès de l’humanité. Il a abordé beaucoup de thèmes différents mais toujours d’une manière accessible à tous et il dit du poète quelque chose que je trouve très intéressant : « Le poète est celui chez qui les sentiments se développent en images, et les images elles-mêmes en paroles, dociles au rythme, pour les traduire. (…) Les arts plastiques obtiennent un effet du même genre par la fixité qu’ils imposent soudain à la vie. » Je trouve que c’est facile à comprendre et en même temps, c’est tout à fait vrai, judicieux, bien exprimé.

ID : Ça vous touche, vous, en tant que poète ?

CRC : Ça me touche en tant que poète et en tant qu’artiste, « les arts plastiques » et c’est vrai que, il y a au point de départ des sensations, des images qui se forment et qui se transforment en paroles et donc il a très bien analysé la progression par laquelle il faut passer pour arriver à écrire en poésie.

ID : Le cheminement ?

CRC : Oui, le cheminement de la pensée. De même qu’il a analysé le cheminement du rire dans ses étapes successives donc il sait très bien analyser les étapes par lesquelles il faut passer progressivement.

ID : Qui sont lesquelles, en ce qui vous concerne ?

CRC : Alors, c’est vrai, il y a d’abord une impression, une sensation et qu’on veut absolument capter. On la capte et puis en effet, on l’exprime soit en images concrètes soit avec les mots avec un sous-entendu finalement et en même temps, on essaie de donner une musique donc lui, il parle de rythme et c’est vrai qu’on recherche la musique des mots en même temps, pour mieux les traduire, ces impressions. On ne va pas utiliser les mêmes impressions pour traduire le rire ou traduire l’angoisse.

ID : C’est pour ça que les poésies, c’est important de les lire à voix haute.

CRC : C’est pour ça, qu’à la fin de chaque rencontre, chaque poète présent lit ses poèmes pour fixer chaque rencontre, pour terminer, pour clore.

ID : Parce que lire simplement avec les yeux, de façon muette, quoi, on n’entend plus la musique.

CRC : Bien sûr, bien sûr.

ID : Et on rate beaucoup de choses à l’intérieur des poésies.

CRC : Tout à fait.

ID : Henri-Louis Bergson, il était l’hôte de la Touraine ?

CRC : Exactement, il a vécu ses dernières années à la Gaudinière, à Saint-Cyr-sur-Loire. Il a loué d’abord l’endroit, il y est allé en vacances et après, il a préféré y rester et c’est là qu’il a connu d’ailleurs le Professeur Émile Aron et qui est toujours avec nous et que j’ai interviewé de manière à ce qu’il me dise un petit peu comment il avait perçu Henri Bergson quand il l’a connu donc on a en même temps, un côté concret qui est intéressant.

ID : Ah, tout à fait, oui, tout à fait. Et il sera là aussi vendredi ?

CRC : Alors je ne sais pas parce que…

ID : Ça peut être la bonne surprise.

CRC : C’est lui qui va décider.

ID : Bon voilà, l’appel est lancé, si vous écoutez. Le vendredi 23 août, c’est Henri-Louis Bergson mais le vendredi 30 août, c’est tous les vendredis dans le jardin des Prébendes, ces rencontres littéraires, il sera question de Grégoire de Tours, Grégoire de Tours qu’on connaît comme père de l’histoire de France.

CRC : Alors voilà, c’est ça, Grégoire de Tours, tout le monde sait que c’est un évêque, on sait le mettre en relation… On sait que c’est l’un des successeurs de Saint-Martin, le dix-neuvième évêque de Tours mais c’est le père de l’histoire de France, c’est le premier à avoir écrit l’Histoire de France, l’histoire des rois, les tensions entre les grands personnages, enfin toutes les intrigues de l’époque et bien sûr de temps en temps, il mettait son avis personnel. C’est d’ailleurs très amusant, ça a en même temps un côté sympathique, il ne peut pas rester neutre vis-à-vis de ce qu’il vit mais il a aussi su décrire les tremblements de terre, les famines, les crues, toutes choses qu’on n’aurait pas pu connaître autrement.

ID : Oui parce que ça se passait au VIème siècle tout ça.

CRC : Voilà par exemple : « La cinquième année du règne de Childebert II, il y eut en Auvergne une inondation qui causa de grands ravages. La pluie avait tellement duré douze jours consécutifs, et la Limagne fut tellement couverte d’eau, qu’un grand nombre de cultivateurs ne purent ensemencer leurs terres. La Loire, l’Allier et les autres affluents de ces rivières s’enflèrent tellement qu’ils franchirent les bornes que jusque-là ils n’avaient jamais dépassées. Il y eut une perte énorme de bétail et de moissons, et un grand nombre d’édifices furent renversés. »

ID : Des témoignages importants.

CRC : Ça nous fait penser aux inondations actuelles et on se dit attention à la Touraine. Un jour, ça pourrait être son cas, hélas !

ID : Au cas où ça arrive, il va falloir se prémunir.

CRC : Mais c’est intéressant pour savoir ce qui se passait à cette époque-là finalement.

ID : Donc vendredi prochain, il sera question de l’histoire de France ou il sera question de tout ?

CRC : Bergson, non… Vendredi 30 août, il sera question de l’histoire de France du temps de Grégoire de Tours puisqu’en effet, il parle des rois qu’il aime bien, puisque la France est tiraillée entre plusieurs, c’est la France qui se construit donc je présente bien sûr avant, le caractère de Grégoire de Tours par rapport à des gens qui l’ont côtoyé, de son époque et qui disent un petit peu qui il est, comment ils le perçoivent. Ensuite, lui, il a commencé l’histoire de France à la création de l’homme alors bon là, j’ai été assez vite sur le temps de la Bible, les débuts de la Bible, puisque ça ne concerne pas le caractère de Grégoire de Tours sur lequel je voulais insister, mais par contre sur les rois, sur les tiraillements, les gens qui se tuent, qui s’empoisonnent pour avoir le pouvoir, je trouve que c’est tout à fait typique, les pillages, etc. avant d’arriver à construire la France. Et il nous explique bien, il ne veut pas se taire sur ce qui est dur et qui ne devrait peut-être pas trop se dire. Il a le courage de ses idées et il va jusqu’au bout, même quand les rois ne sont pas contents et comme il a un certain pouvoir, il peut se le permettre, là où d’autres ne pourraient pas se le permettre.

ID : Grégoire de Tours sera vendredi 30 août, enfin ses écrits.

CRC : Sa vie, son portrait, ses écrits.

ID : Voilà, aux quatrièmes rencontres littéraires au jardin des Prébendes, vendredi 30 août et plus près de nous, vendredi 23 août, Henri-Louis Bergson. C’est de 17 h 30 jusqu’à 19 h. Entrée libre et gratuite. On peut se renseigner sur tout cela, sur votre site, Catherine RÉAULT-CROSNIER, www.multimania.com, Catherine RÉAULT-CROSNIER, on le met ?

CRC : crcrosnier.

ID : Voilà, on y va donc je vous souhaite de belles rencontres.

CRC : Oui, alors Rabelais, c’est le 6 septembre, pour ceux qui sont intéressés, par les amis de Rabelais.

ID : D’accord, c’est noté. Merci.

CRC : Au revoir.

 

 

Publié avec l’aimable autorisation de France Bleu Touraine et de Isabelle Dorseau, en date du 20 août 2002.
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