5èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES

Vendredi 1er août 2003, de 17 h 30 à 19 h

 

Honorat de BUEIL,
Marquis de RACAN

 

par Jean-Jacques ARVERS

Jean-Jacques et Bernadette ARVERS, lisant le texte de Jean-Jacques ARVERS sur RACAN, lors des 5èmes Rencontres littéraires au jardin des Prébendes, à Tours, le 1er août 2003.

 

RACAN dont nous avons un très beau buste dans notre Jardin des Prébendes, fut militaire et poète, un assemblage rarement rencontré.

Il s’appelait en réalité Honorat de Bueil, fils de noble et lui-même Marquis de Racan à la mort de son père en 1597.

Il était né en 1589 à Aubigné au Sud du Mans, mais vécut au Château de la Roche au Majeur, à Saint Paterne en Touraine.

Orphelin de père à huit ans, son père militaire lui-même tué au siège d’Amiens, il perdit sa mère cinq ans après et fut emmené à Paris par ses cousins.

À treize ans, peu instruit par ailleurs, il s’intéressait déjà à la poésie et jouait du luth.

Son cousin comte de Bellegarde, était un courtisan qui le fit placer comme page de la chambre du Roi, Henri IV à l’époque.

C’est là, tout jeune à seize ans, qu’il rencontra Malherbe, alors qu’il commençait à cultiver ses dons poétiques.

Malherbe devint son maître, Racan l’écoutait volontiers et pendant trois ans ils eurent un commerce suivi, comme de grands amis.

Racan avait une inspiration, un don poétique certain, abondant et facile, d’une facture large et pure que le maître lui envia.

Celui-ci lui enseigna la nécessité du travail en lui révélant des poètes anciens et modernes qu’il critiquait vers après vers, je cite Racan à ce propos :

« Je respectais toujours M. de Malherbe comme mon père et il vivait avec moi comme un fils. »

et ailleurs :

« J’ai appris de M. de Malherbe ce que j’ai témoigné depuis savoir de la poésie française. »

Les œuvres de cette époque juvénile furent surtout des œuvres de circonstance : Ode à Maynard, Ode à Louis XIII, Consolation à M. de Bellegarde sur la mort de son frère, Ode au Comte de Bussy.

Il y a aussi quelques poèmes qui montrent un délicat sentiment de la nature. Sur la venue du Printemps :

« Déjà les fleurs qui bourgeonnent
Rajeunissent les vergers
Tous les échos ne résonnent
Que de chansons de bergers
Les jeux les ris et la danse

Sont partout en abondance
Les délices ont leur tour
La tristesse se retire
Et personne ne soupire
S’il ne soupire d’amour. »

 

À propos de l’Amour, en même temps que la Nature, commencent ses poèmes facétieux et évocateurs :

« L’aurore qui dans son âme
Brûle d’une douce flamme
Laissant au lit endormi
Son vieux mari, froid et pâle
Désormais est matinale
Pour aller voir son ami. »

 

Plus tard on lira dans les stances à un vieillard jaloux :

« Puis donc que désormais, vos vieux membres de glace
Ne lui sont qu’ennuyeux
Ne lui défendez point de mettre à votre place
Quelqu’un qui fasse mieux
Quand j’en prendrais ma part, vous en aurez le reste
Plus qu’il n’en faut pour vous. »

 

Et puis il y a sa pièce de théâtre, Les Bergeries, pastorale dramatique en cinq actes, pièce jouée en 1619 à l’Hôtel de Bourgogne, et qui eut un certain succès car elle tranchait sur les farces plus ou moins grossières de l’époque, par des sentiments véritables, rustiques mais délicats. Elle fut jouée dans plusieurs villes et même à la Cour en 1624.

C’est une histoire d’amours contrariés par un père et par un jaloux avec tentative de suicide, offre de sacrifice, rebondissements divers, finit par deux mariages, le tout entrecoupé de chœurs de circonstances.

De cette même époque de jeunesse, donc avant 1625, nous avons encore Les Stances sur la Retraite de 1618, après quelques déboires militaires car il n’arrivait pas à prendre part à une campagne décisive et glorieuse. C’est pourquoi, toujours avec son amour de la nature, il écrit :

« O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais le vain espoir de gloire
Dont l’inutile soin traverse nos plaisirs
Et qui, loin retiré de la foule importune
Vivant dans sa maison, content de sa fortune
A, selon son pouvoir mesuré ses désirs ! »

Et il conclut ainsi :

« Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude
Si vous fûtes témoins de mon in-quiétude
Soyez-le désormais de mon contentement. »

 

Pendant sa carrière militaire depuis le baptême du feu en 1621 au siège de Saint-Jean-d’Angély, avant le siège de La Rochelle, jusqu’à la fin de son service en 1639 à cinquante ans, il vivait en effet sur son domaine entre deux campagnes espacées quelquefois de plusieurs années.

C’est ainsi, pendant ces longues périodes d’accalmie, qu’il put poursuivre son œuvre poétique, méprisant la cour où il n’était pas à l’aise avec une mine et une mise un peu trop terrienne et un parler disgracieux : il bégayait.

De plus il était amoureux d’une Catherine Chalot, qui même devenue veuve bien jeune, et malgré madrigaux, odes et chansons restait indifférente.

Alors il se maria en Touraine vers 1625, resta donc la plupart du temps sur ses terres et se mit à composer des Odes sacrées adaptées des Psaumes. Ce sera son œuvre majeure, mais la plus oubliée de nos jours.

Racan était croyant et dévot, et la foi chrétienne en plus de l’amour de la campagne et de la nature, a toujours été l’une des dominantes de son œuvre.

 Dans un sonnet sur le bois de la vraie croix, vers 1606, (il avait environ dix-huit ans), on lit :

« Celui sur qui le sang sur toi fut épanché
C’est celui dont la grâce égale la justice
Qui souffre injustement notre juste supplice
Et qui nous fait revivre en tuant le péché.

Mon Dieu, de quel miracle est ta bonté suivie !
Jadis, un bois vivant nous apporta la mort
Un bois mort aujourd’hui nous apporte la vie. »

 

Pour les psaumes traduits en Odes, je n’ai trouvé qu’un extrait de Psaume 18 datant de 1627 dont on peut citer ce passage où se voit la foi mais aussi son admiration de l’Univers :

« Toy qui de l’eternel contemples les miracles,
les feux du firmament sont-ce pas des oracles
dont le silence parle et s’entend par les yeux ?

Souverain roy des rois, providence éternelle,
qu’en la mer de ce monde à toute heure j’appelle,
mon dieu, mon redempteur, mon ayde et mon support !
Puisqu’à tous mes besoins tes bontez toûjours prestes
m’ont déjà tant de fois retiré des tempestes,
acheve ton ouvrage, et me conduis au port. »