9èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 3 août 2007, de 17 h 30 à 19 h

 

Alain-Fournier et la Touraine

par Isabelle Papieau

Portrait d'Alain-Fournier par Catherine Réault-Crosnier.

 

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Biographie d’Isabelle Papieau

 

Isabelle Papieau nous fait l’honneur de venir de Bourges où elle demeure, pour nous parler d’Alain-Fournier dont elle est une des spécialistes reconnues. Nous la remercions d’avoir quitté son Berry natal ce jour, pour notre Touraine et pour le bonheur des Tourangeaux.

Née à Bourges en 1953, Isabelle Papieau a débuté comme pigiste (de 1975 à 1978) à La Nouvelle République et couvrait « Bourges-Nord », puis elle s’est consacrée pendant treize ans à la communication publicitaire. Titulaire d’un DEA de sociologie (« Modes de vie et politiques sociales »), elle a enseigné l’histoire et les Lettres modernes puis l’éducation socio-culturelle. Elle restera trois ans au lycée agricole de Bourges puis à Cosne, à Challuy. Elle prolonge ses recherches sur les représentations et la symbolique de l’image. Elle choisit comme thème de sa maîtrise de sciences de l’éducation, la comtesse de Ségur. Isabelle Papieau est Docteur en sociologie et Professeur d’éducation socio-culturelle, sociologue d’art. La banlieue l’a attirée et elle a publié en 1996, la « Construction des images dans les discours sur la banlieue parisienne ». Elle a alors centré ses recherches sur la symbolique de l’image. Elle est l’auteur d’essais sociologiques et de romans historiques autour du Moyen Age.

Elle a été nommée membre de l’Académie du Berry en 2004 puis membre du Haut Conseil de cette Académie en 2006. Elle est aussi administratrice du syndicat des journalistes et écrivains. Elle a obtenu le prix « Reims de la Littérature » en 1980 et la palme de bronze du scénario, de l’Union pour la diffusion littéraire, en 1983.

Catherine Réault-Crosnier et Isabelle Papieau, photographiées par Claire Crosnier, lors de la Rencontre littéraire dans le jardin des Prébendes à Tours, le 3 août 2007, sur Alain-Fournier et la Touraine.

Son œuvre :

Isabelle Papieau a publié à partir de 1999, des ouvrages dont les thèmes sont variés et parfois surprenants car quel lien pouvons-nous faire entre l’éducation des enfants et une réflexion menée à travers les récits de la comtesse de Ségur et les graffiti des banlieues ? Isabelle Papieau a l’art de surprendre par le choix de ses sujets qu’elle traite toujours en profondeur.

Elle a aussi réalisé de nombreuses conférences et nous ne pouvons pas toutes les énumérer. Nous pouvons citer par exemple, celle sur « Zulma, la Berrichonne amie d’Honoré de Balzac » (le 21 avril 2001, à la mairie de Sancerre), une étude sur « Victor Hugo et Notre-Dame de Paris », etc.

Dans son livre « La construction des images dans les discours sur la banlieue parisienne, pratiques et productions esthétiques » (éd. L’Harmattan, 1999), elle s’interroge sur le processus de l’image du « grand ensemble dans la deuxième partie du XIXème siècle au travers de spéculations d’écrivains, de journalistes, de cinéastes. Comment les banlieues se sont-elles formées ? Quelle est leur origine, leur structure ? Une lucidité mélancolique nous fait apparaître combien les uns sont malheureux, les autres indifférents, égoïstes, d’autres encore pleins de bons sentiments sans pour cela, agir.

Dans « La Comtesse de Ségur et la maltraitance des enfants » (Paris, L’Harmattan, 1999), Isabelle Papieau a analysé à travers l’esthétique de l’enfant modèle, l’éducation et les pratiques autoritaires, subversives débouchant sur la violence ; elle s’est servie des livres de la comtesse de Ségur qui a une philosophie d’éducation étonnante ; Isabelle Papieau cite les sanctions habituelles : les privations, le pain noir, le cabinet d’isolement, les humiliations, les violences verbales. Elle a repris ici son travail de mémoire de maîtrise en rapport avec les violences éducatives. Que penser des sanctions physiques, des fessées ? Elle nous montre l’importance de la morale et des habitudes éducatives du XVIIème siècle, siècle où une certaine maltraitance peut paraître normale sinon utile. Elle nous fait réagir sur le relativisme de la notion de « maltraitance » et des normes. Elle voit dans ces comportements de punitions, l’expression de la solitude affective et par-delà, d’une souffrance.

Dans « La banlieue de Paris dans la bande dessinée » (Paris, L’Harmattan, 2001), Isabelle Papieau nous parle de notre culture. Partant du fait que les banlieues ont énormément influencé les artistes, elle analyse la configuration sociale et spatiale de ces territoires en mutation évoluant du faubourg et des espaces zoniers –populaires, pittoresques, voire exotiques– à la banlieue dans son acceptation moderne. Sa démarche est pédagogique, son écriture claire, son approche synthétique. Elle étudie les stéréotypes des banlieues, leur représentation en passant par « Bécassine chez les turcs ». La mode des jeux de cerceau, du hip hop, du rap ont aussi leur place. C’est tout un pan de notre univers culturel qui est passé au crible, prouvant que l’art de la bande dessinée n’est pas un art mineur mais fourmille de détails révélant l’expression sociale.

Dans « Images de grands-mères, de l’Antiquité à l’époque contemporaine » (Paris, L’Harmattan, 2003), Isabelle Papieau décrit les représentations de la grand-mère, sa place dans les mouvements artistiques, les courants de pensée, l’espace historique. De la « Déesse-Mère » à la femme rivée dans les activités domestiques ou se consacrant à l’éducation des nouvelles générations, l’image de la grand-mère évolue au fil du temps. L’engagement des grands-mères est analysé dans l’espace littéraire et le champ artistique, dans le but de mettre en valeur leur dynamisme et leurs nouvelles responsabilités avec les mutations de l’histoire.

« La Griffe de Barbe-Bleue » (Paris, L’Harmattan, 2004) est un roman historique. C’est l’histoire d’une jeune femme médiévale. Elle vient honorer une commande de Gilles de Rais, surnommé Barbe-Bleue et ancien compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Elle subit une diabolique séduction et découvre un univers étrange et démesuré. Elle part alors dans un long voyage initiatique où la raison côtoie l’obscurantisme.

Dans « Portraits de femmes, du faubourg à la banlieue » (Paris, L’Harmattan, 2005), Isabelle Papieau place la femme dans les espaces suburbains et porte son regard sur la femme de nos cités. Analysant les clichés sans oublier les femmes des quartiers excentrés, l’auteur étudie la réalité sociale et les spéculations sur la femme, de l’ouvrière des faubourgs à la femme frivole ou à l’image typée de la femme moderne. De nouveaux modèles émergent. La femme des banlieues en ressort différente et peut être inspiratrice et mobilisatrice.

Son livre « Les cloches de brume » (Paris, L’Harmattan, 2005), est la suite de son roman « La Griffe de Barbe-Bleue ». Elle y raconte l’histoire d’une femme veuve, qui revient d’un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il y a une longue errance de ce lieu de pèlerinage à l’Île de la Cité, dans l’univers labyrinthique des mystères de l’âme.

Dans « Arts et société dans l’œuvre d’Alain-Fournier », (Paris, L’Harmattan, 2006), Isabelle Papieau s’attache à montrer la sensibilité impressionniste d’Alain-Fournier et sa passion pour l’Orient. Cette étude aborde le sens caché du livre « Le Grand Meaulnes », son apport en matière d’art et de société. Isabelle Papieau replace le sens caché de tout acte dans l’art. Alain-Fournier s’interrogeait dans sa quête du Moi, sur les mystères de la vie psychique. Son livre « Le Grand Meaulnes » est construit autour de la dichotomie « péché-expiation » générant le sacrifice du bonheur. Il devient alors un mythe et Isabelle Papieau prolonge le songe par l’analyse sociologique.

En plus de ces livres, Isabelle Papieau a écrit de nombreux articles très variés mais qui sont significatifs de ses centres d’intérêt comme sur Jeanne de France (ou de Valois), fille de Louis XI, (première épouse de Louis XII, duchesse du Berry), sur l’éducation des enfants, sur la culture populaire, sur Alain-Fournier, sur l’architecture, le théâtre, Halloween, sur les banlieues, sur « Le graffiti : art ou esthétique de l’encrage ? ». Voici un autre exemple : dans la revue « Champs culturels », cet auteur a publié un essai, « Esthétique paysanne au XIX° siècle » qui parle des représentations du monde rural qui peut passer d’un statut idyllique à une conception révolutionnaire, de l’image d’une beauté antique à un réalisme solennel, de la respectabilité du travail à une approche religieuse, d’une représentation sécurisante à une allégorique. Il y a tant de manières de symboliser et de reconnaître l’identité paysanne ! Isabelle Papieau nous fait entrer en ce monde des représentations et réfléchir sur la manière de voir les paysans selon les époques.

 

Conclusion :

Il y a plusieurs lignes directrices dans l’œuvre d’Isabelle Papieau, lignes qui se recoupent comme en géométrie. La passion de la recherche domine ainsi que la soif de savoir toujours plus, d’analyser et de comprendre l’évolution de la société. Elle n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour découvrir le monde autrement, par exemple l’éducation à travers la comtesse de Ségur ou la vie des banlieues à travers les graffiti. Son approche sociologique est sous-jacente dans sa recherche des modes éducatifs, de la condition féminine ou dans sa vision des banlieues, dans ses articles sur l’art et sur le paysage, dans son mysticisme. Mais l’œuvre d’Isabelle Papieau ne peut pas être restreinte à un moule dans lequel on pourrait inclure toutes ses idées. Elle a besoin d’élargir les horizons des sujets abordés ce qui lui permet de les traiter d’une manière très personnelle. Il y a aussi une part de rêve dans son œuvre et Alain-Fournier en est un exemple, celui qu’elle a choisi aujourd’hui pour le mettre en lien avec notre Touraine. Grâce à son érudition et à la diversité de ses recherches, Isabelle Papieau ne lasse jamais ses auditeurs et nous la remercions d’avoir accepté de partager avec nous, sa passion littéraire et sociologique, le temps d’une fin d’après-midi, ici, en ce beau jardin des Prébendes.

 

23 février 2007 / 3 août 2007

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Isabelle Papieau, « La construction des images dans les discours sur la banlieue parisienne, pratiques et productions esthétiques », éd. L’Harmattan, Paris, 1996, 210 pages

Isabelle Papieau, « La comtesse de Ségur et la maltraitance des enfants », éd. L’Harmattan, Paris, 1999, 176 pages

Isabelle Papieau, « Portraits de femmes, du faubourg à la banlieue », éd. L’Harmattan, Paris, 2005, 145 pages

 

Pages de couverture des ouvrages :

Isabelle Papieau, « La banlieue de Paris dans la bande dessinée », éd. L’Harmattan, Paris, 2001, 156 pages

Isabelle Papieau, « Images de grand-mères, De l'antiquité à l’époque contemporaine », éd. L’Harmattan, Paris, 2003, 146 pages

Isabelle Papieau, « La Griffe de Barbe-Bleue », éd. L’Harmattan, Paris, 2004, 152 pages

Isabelle Papieau, « Les cloches de brume », éd. L’Harmattan, Paris, 2005, 212 pages

Isabelle Papieau, « Arts et société dans l’œuvre d’Alain-Fournier », éd. L’Harmattan, Paris, 2006, 165 pages

 

Dans la presse :

La Gazette Berrichonne de Paris, n° 248 du 5 décembre 1996, présentation du livre « La construction des images dans les discours sur la banlieue parisienne, pratiques et productions esthétiques » d’Isabelle Papieau, par C.E.V.

Emmanuel Letreuille, « Des petites filles modèles à la grande banlieue… », Berry républicain, édition du 8 août 1999

Marie-José Ballista, « Une sociologue visite la banlieue dans les bandes dessinées », Berry républicain, édition du 4 avril 2002

La Voix du Sancerrois, éditions du 19 avril 2001 et du 26 avril 2001, annonce et compte rendu de la conférence d’Isabelle Papieau intitulée « Zulma Carraud, amie de Balzac »

La Nouvelle République du Centre-Ouest, édition du 2 juillet 2002, « Zulma Carraud, femme de devoir »

Patrick Martinat, « Questions du jour… à Isabelle Papieau - L’enfant a besoin de repères », Berry républicain, 2002

Maurice Bazot, présentation du livre « Les cloches de brume » d’Isabelle Papieau, Bulletin de l’Académie du Berry, n° 5, été 2006

La Nouvelle République du Centre-Ouest, édition du 25 octobre 2006, « Le Grand Meaulnes décrypté »