23èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 13 août 2021, de 17 h 30 à 19 h

 

Rétrospective sur les 22 années de littérature
dans le jardin des Prébendes à Tours

Dessin à l'encre de Chine de Catherine Réault-Crosnier, illustrant la séance sur la rétrospective sur les 22 années de littérature dans le jardin des Prébendes à Tours.

 

Lire la présentation de cette Rencontre.

 

Chaque année depuis 1999, nous sommes partis sur les traces d’écrivains en lien avec la Touraine, dans le jardin des Prébendes à Tours. Nous pouvons remémorer ses moments ide partage littéraire avec le public à travers des extraits et des pensées. Bien sûr, vous pourrez aussi retrouver l’intégralité de ces textes proposés par moi-même, Catherine Réault-Crosnier puis mis en ligne par Régis Crosnier à l’adresse : http://www.crcrosnier.fr/preb/prebsommaire.htm.

Une partie du public lors de la Rencontre littéraire dans le jardin des Prébendes, du 13 août 2021, consacrée à la rétrospective.

Une partie du public.

Tout d’abord, en 1999, nous sommes allés sur les traces de Ronsard et Racan dans le jardin des Prébendes rue Roger Salengro, puis de René Boylesve dans le jardin de la place de Strasbourg.

 

En 2000, nous avons abordé la vie et l’œuvre d’Anatole France, Francis-Vielé-Griffin, Georges Courteline et Paul-Louis Courier.

Anatole France (1844 – 1924) a été présenté à travers sa vie, son œuvre, principalement ses écrits en Touraine. À soixante-dix ans, en 1914, il s’est retiré à La Béchellerie, aux environs de Tours, à Saint-Cyr-sur-Loire exactement, durant dix ans jusqu’à sa mort. Il a écrit deux livres en Touraine : Le petit Pierre en 1918, recueil des souvenirs du temps disparu et La vie en fleur en 1922. Cette même année, il reçut le prix Nobel de littérature. Anatole France garde un bon souvenir de cette région : « Bien chers amis, cette Touraine, où je voudrais tant vous voir, est vraiment une terre de délices. L’air y a une douceur qui dépasse cette douceur angevine, vantée par un poète. (…) Je n’ai pas trouvé d’endroit qui convînt mieux au climat de mon cœur (…) » (Extrait d’une lettre du 20 avril 1915 à Henri Massis).

Francis Vielé-Griffin (1863 – 1937), poète de la Loire, né à Norfolk, en Virginie en 1863, écrit avec délicatesse et sensibilité comme dans ce poème sur l’eau, symbole de lumière et du temps qui passe.

Là-bas, où la Loire se vêt
d’un manteau d’osiers et de sables,
par la plaine des peupliers
que baigne une brume de fable,
où l’air verdoie et poudroie
du rêve des choses réelles,
nous avons cueilli, à brassée, la joie,
de les savoir si belles !
(…)

(Vision de Midi)

Georges Courteline (1858 – 1929) ne s’est jamais pris au sérieux et pourtant, il a su décrire avec talent, les petites gens sur le vif avec beaucoup d’humour car il a le sens du comique. Dans Monsieur Badin, nous découvrons cet homme toujours absent de son bureau depuis quinze jours mais vu à la brasserie. Il trouve toujours à se justifier. Le directeur lui répond :

– À cette heure, vous avez perdu votre beau-frère, comme déjà, il y a trois semaines, vous aviez perdu votre tante, comme vous aviez perdu votre oncle le mois dernier, votre père à la Trinité, votre mère à Pâques ! Sans préjudice, naturellement, de tous les cousins, cousines, et autres parents éloignés que vous n’avez cessé de mettre en terre à raison d’au moins un la semaine. Quel massacre ! non, mais quel massacre ! A-t-on idée d’une boucherie pareille !… Et je ne parle ici, notez bien, ni de la petite sœur qui se marie deux fois l’an, ni de la grande qui accouche tous les trois mois. Eh bien ! monsieur, en voilà assez. Que vous vous moquiez du monde, soit ! mais il y a des limites à tout, et si vous supposez que l’Administration vous donne deux mille quatre cent francs pour que vous passiez votre vie à marier les uns, à enterrer les autres, ou à tenir sur les fonts baptismaux, vous vous mettez le doigt dans l’œil !

Paul-Louis Courier (1772 – 1825), né à Paris, en 1772, enfant naturel de Louise-Élisabeth La Borde, vécut cinq ans au château de Méré, à Artannes-sur-Indre puis près de Cinq-Mars-la-Pile, dans la maison de la Véronique, au lieu dit du Ponceau. Pamphlétaire de talent, ayant fait une tache d’encre par maladresse, dit-il, sur un passage inédit des « Amours de Daphnis et Chloé », extrait des Pastorales de Longus, il utilise alors son don de raillerie pour se justifier. C’est son premier pamphlet dont voici un extrait : « Le bruit de cette tache d’encre a donc été jusqu’à Paris ? (…) Une vingtaine de mots effacés dans autant de phrases ! » (Lettres de France et d’Italie)

 

En 2001, Maurice Maeterlinck, Guy de Tours, Philippe Néricault Destouches, Martine Le Coz étaient à l’honneur.

Maurice Maeterlinck (1862 – 1949), écrivain belge, grand voyageur, est venu en Touraine, terre d’accueil pour lui. Invité par ses beaux-parents au château de Coudray-Montpensier lorsque sa vie conjugale devenait intolérable pour lui, à Bruxelles, il a écrit de nombreux livres dont La vie des abeilles et La mort de Tintagiles. Poète, dramaturge, essayiste, philosophe tendant vers la métaphysique, il était aussi un poète très moderne pour l’époque comme dans son livre Serres Chaudes, alliant le mystère de la vie profonde et l’intuition de l’inconnaissable. La lune reste sa confidente (extraits de « Ronde d’ennui ») :

J’entends des voix dans mon sommeil
Si nonchalamment apparues !
Et des lys s’ouvrent en des rues
Sans étoiles et sans soleil.

(…)

J’attends la lune dans mes yeux
Ouverts au seuil des nuits sans trêves,
Afin qu’elle étanche mes rêves
Avec ses linges lents et bleus. »

Guy de Tours (vers 1551 – ?), poète contemporain de Ronsard, a écrit des poèmes sur la nature, l’amour, les belles dont Catherine de Baudry, la ville de Tours, Ronsard et bien sûr la Loire :

Loire qui vas de ton onde vitrée

Razant les murs de ma ville de Tours,
Et qui conduis, sans faire aucuns destours,
Tes flots chenus au sein de la Marée,

Si tu vois plus, sur ta rive dorée

D’un beau sablon, s’esgayer de maints tours
Cette beauté, source de mes amours
Et des tourments qui m’ont l’ame esgarée ;

Je te supply, d’un murmure adoucy,

Luy raconter le penible souci
Qui pour l’aimer incessamment m’affole.

Si tu me fais une telle faveur,

Par mes escrits je feray ton honneur
Tel que celuy de Gange et de Pactole.

(Extrait de « Le second livre des souspirs amoureux de Guy de Tours – XXVIII »)

Philippe Néricault Destouches (1680 – 1754) né à Tours en 1680, est connu par ses comédies à la mode de Molière et encore plus pour ses adages : « Les absents ont toujours tort. », « Chassez le naturel, il revient au galop. », « La critique est aisée, et l’art est difficile. ». Il a l’art de faire rire :

Pour réfléchir, Messieurs, la matière est fort ample.
Amants, maris jaloux, profitez de l’exemple ;
Soyez de bonne foi, croyez qu’on l’est aussi ;
Et, pour prendre leçon, venez souvent ici.

(Le curieux impertinent, acte V, scène VI)

Moralisateur, il est bien accepté grâce à sa manière comique de montrer les travers de la société.

Martine Le Coz, prix Renaudot 2001, invitée d’honneur, romancière amboisienne contemporaine, auteur de Le nègre et la méduse, privilégie l’écriture pour aller plus loin dans ses pensées. Dans Le chagrin du zèbre, il y a égalité entre le noir et le blanc. Martine Le Coz veut relier l’origine du monde, l’Un, le passé au mystère de la vie, acceptant les différences comme une richesse, le noir comme le blanc sans mettre l’un au-dessus de l’autre. Dans Le chagrin du zèbre, traité de métaphysique, de philosophie à la lumière de la poésie, elle nous permet de réfléchir sur l’invisible, la douleur d’être autre en lien avec le mystère de la création et l’universel. Sa force d’écriture est indéniable.

 

En 2002, des amis ont parlé des poètes de Touraine. Thérèse Planiol était l’invitée d’honneur. Aux autres séances, nous avons abordé l’œuvre d’Henri Bergson, Grégoire de Tours. Les amis de Rabelais et de la Devinière ont présenté Rabelais.

Thérèse Planiol (1914 – 2014 à 99 ans) est devenue un chercheur, mondialement connu, pionnier de la médecine nucléaire de la seconde moitié du XXème siècle, grand professeur de médecine de l’hôpital Bretonneau à Tours. Sa facette littéraire se retrouve dans ses livres Une femme, un destin puis dans Herbes folles hier, femmes médecins aujourd’hui. Son jardin secret était la poésie, hymne à la beauté de l’amour. Après la mort de son mari, elle a écrit l’émouvant poème :

 

JE T’AIME

Je vis en toi
Tu vis en moi

Je t’aime

Chaque soir, chaque aurore
À chaque instant du jour

Je t’aime

Chaque mot, chaque chant
Est un hymne à l’amour

Je t’aime

Gravissant tes monts
Traversant les plaines

Je t’aime

Malgré la souffrance
L’angoissant silence
Le noir de l’absence

Je t’aime

Loin des vieux tourments
Loin des clairs moments
Loin de la vie même

Je t’aime

Elle a ensuite publié un livre de poèmes Quelque chose d’autre, message de douceur, confidence, murmure au-delà des mots.

Henri-Louis Bergson (1859 – 1941) a passé les sept dernières années de sa vie à la Gaudinière, à Saint-Cyr-sur-Loire. Ce philosophe, l’un des grands penseurs spiritualistes du XXème siècle, chercheur en quête d’absolu, membre du Collège de France à la chaire de philosophie ancienne puis moderne, membre de l’Académie française, a été connu à trente ans, lors de la soutenance de deux thèses de doctorat : « Essai sur les données immédiates de la conscience » et une thèse latine « Quid Aristoteles de loco senserit ». Il est alors professeur en titre au lycée Henri IV. Parmi ses livres, citons : Matière et mémoire, Le rire, Le Rêve, essai sur la signification du comique, L’évolution créatrice, L’évolution spirituelle, L’énergie spirituelle, La pensée et le mouvant.

Pour ses quatre-vingt ans, le 18 octobre 1939, une délégation lui rendit visite ; il improvise un discours, soutenant les prises de position de la France, « proclamant sa foi dans la victoire des nations alliées et surtout le triomphe de l’esprit et de la morale humaine ». Il écrit : « Le rire n’a pas de plus grand ennemi que l’émotion. », « la prière est une élévation de l’âme, qui pourrait se passer de la parole. », « L’humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu’elle a faits. »

Grégoire de Tours (539 ou 538 - ?), père de l’Histoire de France, est l’un des successeurs de saint Martin et le dix-neuvième évêque de Tours. En ces temps de guerres, de famine et de rivalités, sa parole est forte : « Gardez-vous, ô hommes ! de persévérer dans vos crimes, de peur que le mal n’aille encore plus loin. (…) Soyez pacifiques, je vous en conjure ; (...) ».

 

En 2003, nous avons proposé Menie Grégoire, le poète Eugène Bizeau, l’humoriste Jules Moinaux.

Menie Grégoire (1919 – 2014) l’invitée d’honneur, membre de l’Académie de Touraine, Tourangelle par sa mère, passait ses vacances chez ses grands-parents à Rochecorbon durant son enfance. De 1967 à 1981, elle a inventé la radio moderne, donnant la parole au public pendant quinze ans, animant une tribune tous les jours sur RTL de 15 h à 15 h 30, pour répondre aux angoisses des gens qui lui téléphonaient. Elle a abordé de nombreux sujets délicats, controversés dont la sexualité, la contraception, l’inceste, les femmes battues… et elle a reçu des milliers de témoignages bouleversants. Parmi ses livres, citons Le métier de femme et aussi Les Dames de la Loire.

Eugène Bizeau (1883 – 1889), poète pacifiste et vigneron, défendait ses idées avec sa plume. Né à Véretz (37), il exprimait ses convictions politiques pour la paix, la démocratie, le progrès social. Il a publié de nombreux recueils : Balbutiements, Verrues sociales, Croquis de la rue, Les grappillons d’arrière-saison, Les sanglots étouffés, Lueurs crépusculaires... Il n’a jamais dédaigné plaisanter, célébrer le Vouvray et la fraternité. Dans Entre la vie et le rêve, il aborde la jeunesse, l’amour, l’immortalité, la nature, de la femme au rêve qui l’a certainement aidé à rester jeune, comme dans le poème « J’ai rêvé » qui relie toutes ses idées :

J’ai rêvé de toute mon âme,
Rêvé comme on rêve à vingt ans,
Devant les beaux yeux d’une femme,
À l’éternité du printemps.
J’ai rêvé d’étreintes moins brèves
Et d’amour jamais achevé ;
Je ne sais plus où sont mes rêves…
Mais je sens bien que j’ai rêvé !
(page 11)

Toujours jeune, Eugène Bizeau nous dit : « guerre à la guerre » car il veut que règne la justice, la sincérité et la fidélité. Jusqu’à presque cent six ans et même après la mort, il continue de nous donner une belle leçon d’optimisme !

Jules Moinaux (1813 – 1896), né à Tours, est le père de Georges Courteline. Très connu de son temps, il écrivit de nombreux vaudevilles à succès dont La Foire d’Andouillé, Le Canard à trois becs, Les Jeux de l’amour et du bouzard, Le Mari d’une étoile, Le Café de la rue de la Lune, Un conseil judiciaire, Le Bureau du Commissaire, Les Gaîtés bourgeoises, Les Tribunaux comiques. Les titres à eux seuls nous traduisent l’ambiance de ses écrits déclenchant l’hilarité.

Son fils Georges-Victor-Marcel Moineau dit Georges Courteline arrive en 1858 comme un cheveu sur la soupe car il n’était pas prévu et son père âgé de cinquante-cinq ans se consacre alors à ses succès. Jules Moinaux, chroniqueur judiciaire à La Gazette des Tribunaux et au Charivari, s’inspire des débats des procès correctionnels pour faire la satire de son époque, soulignant d’un trait acéré, l’aspect burlesque des petites scènes de prétoire. Dans ses comédies dont Les deux sourds et Les deux aveugles, il enchaîne les quiproquos à rebondissements entraînant le rire.

 

En 2004, nous avons suivi Catherine d’Amboise, Robert Vivier et Loys Masson.

Catherine d’Amboise (1481 ou 1482 – 1550), poète mystique, contemporaine de Ronsard, a écrit principalement trois ouvrages. Les deux premiers sont en prose : Le Livre des prudens et imprudens (1509), œuvre de compilation tournée vers le passé récent, et la Complainte de la dame pasmee contre Fortune (1525 – 1535), chef d’œuvre de concision tournée vers l’avenir, laissant place à une nouvelle sensibilité littéraire et emplie d’allégories. Dans son troisième livre, Les devotes Épistres, partant de la création du monde à sa confiance en Dieu, sa sensibilité se révèle.

Robert Vivier (1891 – 1974), mobilisé en août 1914, est affecté au service de santé comme brancardier puis il part volontaire pour l’Armée d’Orient en 1915. À partir d’avril 1919, il est nommé professeur d’histoire au lycée Descartes de Tours jusqu’en 1927. Devenu Inspecteur d’Académie, il a exercé à Tours de 1931 à 1942. Après la guerre de 1940, il devient Préfet de la Libération en Indre-et-Loire. Historien, universitaire et un chercheur, il fait œuvre de mémoire sur la guerre et la résistance. Parmi ses nombreux livres, citons : L’Indre-et-Loire et l’occupation allemande de 1940 à 1944, Maquis et FFI jusqu’à la Libération de l’Indre-et-Loire, La déportation en Indre-et-Loire, Histoire de l’Indre-et-Loire durant la seconde guerre mondiale ainsi qu’une bibliographie de la presse française politique et d’informations générales entre 1865 et 1944, en Indre-et-Loire. Il a aussi mis à l’honneur sa terre d’adoption et les légendes et historiettes tourangelles. Son livre Touraine 39 – 45, fruit de ses recherches a été publié après sa mort.

Loys Masson (1915 – 1969), poète et romancier chrétien de la résistance et de la solidarité, ne reniera jamais ses convictions personnelles et en assumera les difficultés. Son engagement communiste n’était pas pour lui incompatible avec sa foi chrétienne transmise par sa mère. Il a vécu en Touraine en 1943 et 1944, au « Châtelet », château d’origine médiévale, situé sur la commune de Thilouze, alors qu’il était recherché par les nazis. Il a écrit en ce lieu un roman, Les mutins. Sa force d’écriture est emplie de poésie même dans sa prose : « Je croyais entendre, par instants, derrière la voûte de silence, le chant des anges. »

Dans La douve, il s’est servi du cadre de ce château pour retracer sa vie de clandestinité à travers des symboles comme la magie de l’eau immobile, troublante. Ses poèmes d’amour sont liés à la hantise de la guerre toute proche. Assoiffé de justice et de liberté, il a écrit une très belle « Prière pour la France » dont voici deux phrases :

« Et le printemps pourrit sous le chiendent des prés.

Christ vois ta face, ta face de France souffletée par les manants… ».

Le prix Del Ducca lui a été attribué en 1962 pour l’ensemble de son œuvre. Porte-parole d’une énorme liberté, il est l’homme de la colère et des violences en même temps que celui des tendresses.

 

En 2005, nous avons côtoyé Alain Borer, Charles Perrault et Gilbert Lelord.

Alain Borer (1949 –), érudit et poète, professeur d’enseignement artistique à l’École supérieure des Beaux-Arts de Tours et spécialiste d’Arthur Rimbaud, prix Édouard Glissant en 2005, aime la Touraine, sa terre d’adoption à l’âge adulte.

Il suit les traces de Rimbaud lors de ses pérégrinations lointaines au même âge que lui, à vingt-sept ans. Il parcourt aussi l’Éthiopie et suit les bords de la mer Rouge. Il rapporte de nombreux documents et un film « Le voleur de Feu » diffusé sur TF1 en 1978, un récit, des livres : Un sieur Rimbaud, se disant négociant et Rimbaud en Abyssinie puis Rimbaud, l’heure de la fuite, L’œuvre-vie

 Poète perfectionniste, Alain Borer publie aussi de nombreux recueils dont Bouts rimés d’Arthur Rimbaud, Le livre de repousser Apopis. Le nuage de Magellan, Zone bleue et Le Chant du Rien visible forment une trilogie astrophysique. Son roman Koba a été primé (prix Joseph Kessel en 2002). Alain Borer nomme la poésie « poétrie » et ses poèmes, des « noèmes », petits poèmes courts de quatre à neuf vers, très condensés. Il nous fascine par ses créations très contemporaines, étonnantes par leur force de pensées.

Charles Perrault (1628 – 1703), écrivain de contes de fées, est d’abord remarqué par Colbert qui le nomme Grand Commis au service du roi Louis XIV. Par ses Contes en vers ses Histoires ou Contes du temps passé, ses histoires pour enfants, il refait le monde. Dans son livre La Belle au bois dormant, il nous rappelle le château d’Ussé, situé sur la commune de Rigny-Ussé. Dans Peau d’Âne, il aborde les malheurs du peuple et la misère liée à la guerre :

« La dépouille de l’âne est un masque admirable :
Cachez-vous bien dans cette peau.
On ne croira jamais, tant elle est effroyable,
Qu’elle renferme rien de beau. »

Entre féerie du rêve, réalité des faits et la vie de l’époque, l’œuvre de Charles Perrault reste indémodable.

Gilbert Lelord, invité d’honneur, fin clinicien, est un spécialiste internationalement reconnu de l’autisme et du développement de l’enfant. Physiologiste réputé, il a dirigé le service de psychiatrie infantile du CHU de Tours et a fait progresser la compréhension de l’autisme. À l’écoute du vulnérable, il a fondé en 1983, l’ARAPI pour promouvoir et favoriser le développement de ses recherches sur l’autisme et la diffusion des connaissances. Avec Catherine Barthélémy, il a développé la « Thérapie d’Échange et de Développement », dont l’efficacité repose sur « la connaissance précise et individuelle des insuffisances cérébrales décelées dans ce trouble ». Dans son livre, Invulnérables – Comment un enfant devient un saint paru en avril 2004, il lie fragilité et invulnérabilité pour : « apporter dès à présent un réconfort aux enfants, aux familles et aux équipes qui mettent toutes leurs qualités humaines au service de ces souffrances et de ces espoirs. »

 

En 2006, nous sommes partis sur les traces de Léonard de Vinci, Léopold Sédar Senghor, Les poètes de Touraine et l’invité Michael Sadler.

Léonard de Vinci (1452 – 1519), écrivain énigmatique, a montré très tôt des talents d’écrivain, artiste, chercheur, mathématicien, astrologue, philosophe et psychologue. Ses écrits sont passionnants de créativité dont Les carnets de Léonard, Dessins anatomiques, Maximes, Fables, et devinettes…, Éloge de l’œil, Traité de la peinture dont sont extraits ces lignes :

« La peinture est une poésie muette et la poésie une peinture aveugle ; l’une et l’autre tendent à l’imitation de la nature selon leurs moyens, et l’une et l’autre permettent d’exposer maintes attitudes morales, (…) »

Réédité actuellement, il reste toujours source d’inspiration. Éternel chercheur, créateur de la théorie moderne de la connaissance mise en pratique, Léonard a été le précurseur de la mécanique moderne et de la science de l’ingénieur. Inlassable écrivain durant toute sa vie, il a rempli des milliers de pages reflétant sa puissance intellectuelle et la force de sa pensée. Il regarde le corps et l’âme pour bâtir une ligne de conduite imprégnée de la sagesse de ses jugements et sentences.

Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001), homme célèbre, premier Président de la République du Sénégal, membre de l’Académie française, a enseigné trois ans au lycée Descartes de Tours.

Il a obtenu d’innombrables prix littéraires et a été décoré des plus hautes distinctions tant au Sénégal qu’en France. Médaille d’or de la langue française, prince en poésie (1977), docteur honoris causa de trente-sept universités dont Paris-Sorbonne, il était aussi, membre non résidant de l’Académie des Arts, Sciences et Belles Lettres de Touraine et membre d’honneur d’Art et Poésie de Touraine.

Ses écrits imprégnés de négritude, sont à l’image de sa pensée et de la beauté de la race noire. Il écrit : « Ma négritude est truelle à la main, est lance au poing ». Il a aussi mis en valeur la Touraine dont le jardin des Prébendes :

« Jardin des Prébendes
Tu m’as touché l’épaule
Comme je passais le long de tes grilles vertes,
Indifférent…
(…)

Que tu m’es ami,
Pathétiquement pareil
À l’âpre passion des plaines rousses, immobiles, là-bas, en Sénégambie. »

(Œuvre poétique, page 223)

Humaniste, mystique et poète, homme politique, il a écrit des livres au message intense dont Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine.

Toujours en partance, en allers et retours entre son pays natal et le monde entier dont la France, de la culture de son enfance à celle de l’érudit, agrégé de grammaire française, il reste « vivant » tout autour de la terre, par sa philosophie et sa flamme de poésie !

Michael Sadler (1949 – ), humoriste anglais amoureux de la Touraine, invité d’honneur et Tourangeau d’adoption depuis son mariage, est l’auteur d’une trilogie, Un Anglais à Paris, Un Anglais à la campagne et Un Anglais amoureux, et d’un roman Cabotin. Michael Sadler est Tourangeau d’adoption par son habitat mais aussi par le lieu qu’il a choisi pour ses livres, la Touraine et plus particulièrement le Lochois. Ardent défenseur de la langue française, il a été décoré de la Légion d’honneur pour sa mise en valeur de grande qualité. Dans son livre Un Anglais à la campagne il multiplie les surprises et quiproquos humoristiques. Amoureux fou de la campagne française, il aime écrire et partager ses trouvailles avec tous.

 

En 2007, une spécialiste a mis en valeur Alain-Fournier et la Touraine, puis les poètes de Touraine ont célébré la Loire, avant trois autres conférences.

Jean de La Fontaine (1621 – 1695), fabuliste de passage en Touraine, est surtout connu pour ses Fables, son chef d’œuvre. De nombreux poèmes ont été mis en valeur dont « Le Lion et le Rat », « La jeune Veuve » et d’autres moins connus dont « La Chauve-souris, le Buisson et le Canard ».

Membre de l’Académie française, il retrouve ses amis, Boileau, Charles Perrault, Furetière. Il est le poète de l’eau. Dès qu’il décrit une source, une fontaine, son imagination ne lui fait jamais défaut comme dans « Le Héron » :

L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;
Ma commère la carpe y faisait mille tours,
Avec le brochet son compère.

Il célèbre aussi la Loire :

(…) La Loire est donc une rivière
Arrosant un pays favorisé des cieux,
Douce, quand il lui plaît, quand il lui plaît, si fière
Qu’à peine arrête-t-on son cours impérieux. (…)

Paul Scarron (1610 – 1660), poète et romancier burlesque, a habité le château de La Vallière à Négron, près d’Amboise. Il était le mari de la future marquise de Maintenon. Il a toujours su rire et relativiser ses malheurs. Il a fini sa vie comme il a vécu en riant de lui. La mort fut pour lui, un soulagement comme il nous le confie dans son épitaphe :

Celuy qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d’envie
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.

Passant, ne fais icy de bruit :
Garde bien que tu ne l’esveille,
Car voicy la premiere nuit
Que le pauvre Scaron sommeille.

(Paul Scarron, Poésies diverses, tome II, page 273)

Charles d’Orléans, (1391 ou 1394 – mort à Amboise en 1465) a vécu vingt-cinq ans en captivité en Angleterre, ses nombreux poèmes portent l’empreinte de cet emprisonnement qui lui fait encore plus apprécier la nature comme dans ce rondel « Le Printemps ».

Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye
Et s’est vestu de broderie,
De souleil luyant, cler et beau. (…)
(luyant = luisant)

Charles d’Orléans reste un des plus grands représentants de la poésie du XVe siècle, le poète du beau français, de la courtoisie, de l’élégance. Il a écrit de nombreux chefs d’œuvre de spontanéité emplis de joie ou de mélancolie mais il a toujours gardé confiance en l’avenir. Poète gracieux, à l’âme tranquille, il a su nous transmettre comme des diamants, ses larmes, ses peines, ses espoirs avec une poésie qui coule de source, toute de douceur et de sensibilité.

 

En 2008, nous avons présenté l’abbé Pierre, un spectacle de poésie « Moulins de Touraine et d’ailleurs », François Villon et l’invité d’honneur.

L’abbé Pierre (1912 – 2007) est venu plusieurs fois à Tours ; la communauté Emmaüs d’Esvres-sur-Indre (37) reste un témoin de son ancrage persistant dans notre région. Orateur du cœur, il a sensibilisé les foules à la charité. Sa figure est inoubliable : barbe noire toujours hirsute, béret sur l’oreille, canne et plus tard les décorations sur sa soutane. Par sa force de conviction, cet apôtre de la paix et de la justice, reste vivant au-delà du temps par sa vision de la morale, de l’Amour, lui toujours prêt à lancer des messages simples et essentiels d’amour et de fraternité, à sonner aux portes des puissants pour faire reculer la misère.

Ses paroles sont un miroir de ses actes au service de l’amour. Même s’il sait que tout est fragile, il affirme : « Il serait bon qu’Emmaüs reste comme une allumette qui, minuscule, peut embraser la forêt. Cela seul importe : que l’étincelle existe. »

François Villon (1431 – 1463 ou 1480 ou 1489 ?), a toujours frôlé la mort, la pauvreté, la malchance, toutes liées à ses origines, son passé et sa conduite. Il se rapproche de la Touraine par son lien avec Charles d’Orléans. Il nous confie ses regrets d’avoir vécu avec insouciance en sa folle jeunesse :

Ho Dieu! se j'eusse estudié,
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle!
Mais quoy? je fuyoye l'Escolle,
Comme faict le mauvays enfant...
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend. »

(Œuvres de François Villon par Paul Lacroix, page 71)

Innovateur et humain, il a vécu au jour le jour et nous a décrit avec minutie, l’argot de son temps, la vie des gens qu’il a côtoyés dont le peuple. Mi-bouffon, mi-sérieux, par l’expression de son remords si sincère, par son regret des fautes passées, par son aveu public en toute humilité, François Villon, « Poète de l’émotion » rejoint les grands poètes.

 

En 2009, après les écrits de Catherine Réault-Crosnier, un spectacle de poésie « La vigne et le vin », les écrivains de la résistance décrits par le Dr Chauvin, le Dr Ledouble a été à l’honneur.

Le Dr Jean Chauvin a abordé les écrivains de la résistance de juin 1940, période où la Touraine est occupée sauf la zone sud. Il n’omet pas de parler de ceux déjà partis aux États-Unis puis au Mexique… Il nous décrit la vie en Touraine, le contrôle des organes de presse, la censure, le silence, les difficultés matérielles. Il a réalisé là un travail de mémoire.

Le Dr Ledouble (1848 – 1913), Tourangeau d’adoption, a expliqué des textes du Quart Livre de Rabelais, incompréhensibles auparavant. Une rue de Tours porte son nom. Anatole-Félix Ledouble a fait ses études au lycée de Tours puis à l’école de médecine. Étudiant brillant, il obtient plusieurs médailles dont le prix Louis Tonnelé en 1871. Pendant la guerre de 1870 – 1871, il est interne à l’hôpital de Tours et se consacre alors aux blessés et aux malades de l’armée de la Loire.

Passionné d’anatomie et d’anthropologie, très inventif, il constitue un laboratoire pour ses recherches et un musée anthropo-zoologique. Il publie de nombreux articles. Dans son livre le plus important Rabelais, anatomiste et physiologiste, il allie médecine et littérature. L’immensité de ses connaissances et de ses champs de recherche nous surprend toujours.

 

En 2010, l’invitée d’honneur nous a emportés à la rencontre de la poésie chinoise et de François Cheng. Après un spectacle de poésie, nous avons suivi Rodin puis André Theuriet.

Auguste Rodin (1840 – 1917), lors de ses séjours en Touraine, logeait au château de l’Islette près d’Azay-le-Rideau (dont en 1890), avec Camille Claudel, son modèle, son amante, elle aussi artiste de grande valeur, passionnée par l’art. Il avait alors vingt-quatre ans de plus qu’elle. Dans son recueil, Éclairs de pensée, Rodin observateur et admirateur, s’inspire de l’antique, du gothique, du baroque ou encore de l’Asie. Il peut décrire une femme dans une cathédrale : « admirer cette attitude en si parfaite harmonie avec la nef tout entière, ample cadre destiné à cet unique portrait (…). Dans les cathédrales, toutes les femmes sont des Polymnies, tous leurs mouvements retournent à la beauté. Cette architecture projette sa gloire sur elles comme un tribut de reconnaissance. » (page 90)

Nous avons côtoyé ses écrits sur l’amour de la nature, la Touraine, le mouvement, le dessin et les couleurs, la pensée, la poésie, la sensualité, l’attrait de la chair, l’amour de la femme, l’aspect philosophique, le mystique, la vieillesse, la recherche du beau même dans la laideur, la vérité avant la beauté.

Travailleur acharné, passionné par son art, philosophe, amoureux de tout ce qui est beau, il a voulu traduire l’âme par l’expression du corps humain, pour faire jaillir le vrai : « (…) la véracité. Qu’elle leur serve de beauté ! ». Sa maxime de vie pourrait être : « Aimons la vie pour l’effort (…) C’est vers la sérénité que nous devons tendre. »

André Theuriet (1833 – 1907), poète de la nature, a aimé la Touraine et l’a chantée en vers et en prose, avec beaucoup d’enthousiasme et même d’émerveillement comme dans son poème « Chanson du vannier » qui était à son époque, sur toutes les lèvres :

Brins d’osier, brins d’osier,

Courbez-vous, assouplis sous les doigts du vannier. (…)

Écrivain de la nature, des terroirs, des forêts, des petites villes bourgeoises, il a publié une soixantaine de romans. Plusieurs récits se passent en Touraine : Boisfleury, L’amoureux de la préfète, Eusèbe Lombard... Il aborde dans un style limpide, la vie des gens de la campagne et des petites villes, les portraits, les femmes, les habits, les fêtes, les jeux, l’art de la description et l’hymne à la beauté, une nature humanisée, les arbres, l’aspect sandien, la simplicité et l’émotion, l’attrait de la Touraine, de la vie partout, le temps qui passe et les souvenirs, la mort, les sentiments sans omettre le réalisme même dans le rêve.

 

En 2011, nous avons côtoyé Émile Aron, Descartes, puis la poésie centrée sur « La lune » et une conférence sur les poètes de Touraine « De Ronsard à François Cheng ».

Émile Aron, doyen et historien, a été présenté par son grand ami, le Pr Jacques-Louis Binet, membre de l’Académie nationale de médecine, puis Catherine Réault-Crosnier a proposé une conférence sur le Pr Aron qui fut son professeur en médecine générale à l’hôpital Bretonneau de Tours, juste avant sa retraite. Ce grand érudit s’est toujours tourné vers l’avenir. Il a écrit : « En avant, Tourangeaux et Tourangelles, pour un radieux vingt et unième siècle » (Le Journal d’un siècle, p. 189).

Descartes (1596 – 1650), est né à La Haye, devenu La Haye-Descartes, petite ville aux confins de la Touraine et du Poitou. Il est connu pour son esprit philosophique, basée sur la raison : « Je pense donc je suis », écrit-il dans son Discours de la méthode. Il a publié le Traité des Passions sur le thème de l’union de l’âme et du corps. En 1649, invité par la reine Christine, il va en Suède et à sa demande, il lui donne des leçons de philosophie, chaque matin, à cinq heures, avant sa journée de travail. Il meurt en 1650, à cinquante quatre ans.

Dans le musée Descartes et de l’association des Amis du musée Descartes, sont présentés ses écrits. Cet expérimentateur génial, mathématicien, géomètre, physicien, chercheur, grand penseur français, chercheur d’exception et fondateur de la philosophie moderne, dit : « La méthode est nécessaire pour la recherche de la vérité. » « Ne jamais supposer vrai ce qui est faux, et parvenir à la connaissance de toutes choses. ».

 

En 2012, nous avons suivi les pas de Jean-Jacques Rousseau, Catherine Réault-Crosnier, et écouté l’invité d’honneur, Jean-Luc Moreau.

Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778), le promeneur solitaire, à l’honneur dans le cadre des trois cents ans de sa naissance, nous a transmis son amour de la Touraine et surtout du château de Chenonceau : « On s’amusa beaucoup dans ce beau lieu ; on y faisoit très bonne chere ; j’y devins gras comme un Moine. (…) J’y composai d’autres petits ouvrages, entre autres une pièce en vers, intitulée l’Allée de Sylvie, du nom d’une allée du Parc qui bordoit le Cher, (…) ».

Les femmes ont eu une grande place dans sa vie dont Madame de Warens, Mme Dupin qui vivait au château de Chenonceau et Thérèse Levasseur qui deviendra plus tard, sa femme.

Romancier, philosophe, poète, homme de théâtre, il a beaucoup écrit : Discours sur les sciences et les arts, Sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, Du contrat social, La Nouvelle Héloïse, Rêveries d’un promeneur solitaire... Sa philosophie est basée sur le principe que l’homme naît bon puis est corrompu par les progrès et la société.

Amateur de physique et de chimie, il s’est perfectionné dans le cabinet de physique du château de Chenonceau. D’esprit créatif, il a inventé un nouveau système de notation musicale. Passionné de musique, il a composé un opéra. Il restera un ardent défenseur de la liberté, du sens de la vie et la découverte de la vérité par lui-même.

Jean-Luc Moreau, invité d’honneur, nous a emportés du jardin de la France aux jardins de Babel, entre Orient et Occident. Auteur d’une dizaine de livres de poèmes dont plusieurs destinés aux enfants, il a reçu de nombreux prix dont le prix Ronsard (jury présidé par Jean Cocteau), le prix Verlaine de la Maison de Poésie, le prix Tristan Tzara, le prix de traduction en 1994, décerné par le ministère finlandais de l’Éducation à un traducteur étranger, le prix Tristan Derème en 2003. Commandeur des Palmes académiques, professeur honoris causa de l’Université de Joensuu en Finlande, membre de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine, il nous a imprégnés de sa poésie de France et d’ailleurs, en particulier des pays nordiques.

 

En 2013, nous avons suivi les pas d’Alfred de Vigny, découvert la poésie du Pr Félix-Anatole Ledouble, côtoyé la mer dans un spectacle de poésie, puis écouté l’invité d’honneur, François Lacore.

Alfred de Vigny, l’un des plus grands romantiques, est né à Loches, en Touraine mais il n’y est revenu là que tardivement mais il a écrit dans Cinq-Mars : « Connaissez-vous cette contrée que l’on a surnommée le jardin de la France, ce pays où l’on respire un air si pur dans les plaines verdoyantes arrosées par un grand fleuve ? Si vous avez traversé, dans les mois d’été, la belle Touraine, vous aurez longtemps suivi la Loire paisible avec enchantement, (…). » Sa biographie a été agrémentée de poèmes dont « Le cor ».

Son œuvre romantique de grande envergure reste le reflet de sa conscience, de son pessimisme sentimental, de sa philosophie et de ses sentiments. Elle mérite d’être connue dont Cinq Mars, Stello, La Maréchale d’Ancre, Servitude et Grandeur militaires, Les Destinées. Il a gardé le sens de la parole donnée et une force de pensée étonnante : « L’HONNEUR, c’est la poésie du devoir. »

Le Pr Félix-Anatole Ledouble (1848 – 1913) a été mis à l’honneur pour son œuvre littéraire et pour sa poésie simple, délicate, sensible.

François Lacore, poète « des mots contre les maux », a obtenu de nombreux prix dont celui de l’Arche d’Or des poètes en 1983 (pour Chroniques de la Maison de Diamant, 1979), le prix de poésie classique Maurice Rollinat à l’âge de trente ans (1986), le prix Paul Verlaine de l’Académie française en 2000. Après une courte présentation, il a eu carte blanche et nous a emportés dans un élan poétique. Il nous a imprégnés de la limpidité de ses vers, alliance de délicatesse et de respect de la nature, de rêve et de transparence, proche du style de George Sand et d’Alain-Fournier. Il a terminé par son recueil de poèmes, La lente progression des eaux, suivi de Icare ne tombe plus, conte pour redonner espoir contre l’implacable maladie d’Alzheimer et apporter la lumière car l’amour est plus fort que toute mort.

 

En 2014, nous avons suivi les traces de René Boylesve, Bergson, l’invité d’honneur, Jean-Mary Couderc, avant de terminer par un spectacle de poésie « Le bonheur ».

René Boylesve (1867 – 1926), écrivain tourangeau né à La Haye-Descartes (actuellement Descartes), au sud de la Touraine, membre de l’Académie française, a parlé du bonheur même durant la guerre. Il a relevé cette gageure en ramassant les miettes de joie en ce temps de famine, de tuerie. Il a donné la première place aux petits bonheurs fugaces, presque irréels, pour « procurer aux pauvres hommes, durant cinq minutes, l’illusion qu’il en existe encore un autre. » Certaines nouvelles ont été présentées dont « Le bouillon de poulet » dans lequel nous découvrons une autre facette de René Boylesve : « Ah ! ça, voyons ! oui ou non, m’as-tu demandé de ne te rien cacher ? » ou en parlant du coq passé à la casserole : « J’allongeais avec de l’eau, pardi. Aux derniers servis, c’était de l’illusion, à la tasse (…). Il n’en est pas resté pour moi. » Le bonheur est-il dans l’amour égoïste au détriment de l’autre ? Est-il enfoui dans la boue de la guerre ou piteusement rescapé dans les souvenirs d’un passé révolu ? Est-il dans la vie de tranchée, dans l’espoir des retrouvailles, dans les conversations de salon qui empêchent d’être avec ceux qu’on aime ? À chaque nouvelle, René Boylesve nous laisse le choix de la réponse.

Bergson (1859 – 1941), l’un des grands penseurs spiritualistes du XXème siècle, mérite notre attention. Il a vécu en Touraine, à la Gaudinière (rue de la Gaudinière), à Saint-Cyr-sur-Loire, durant les sept derniers étés de sa vie. Élu à l’Académie française, prix Nobel de littérature, il est mondialement connu.

Nous avons présenté ses principaux livres. Sa pensée étonnante est basée sur le mouvement de l’Élan vital, vainqueur de la mort, sur la durée ou « temps vivant », sur la perception de l’intérieur, de la vérité, de la vie universelle. Il a refondé la notion de conscience et de liberté. Ses citations le caractérisent : « la prière est une élévation de l’âme, qui pourrait se passer de la parole. »

Jean-Mary Couderc, né à Rillé en 1939, biogéographe passionné, maître de conférences honoraire de biogéographie et d’archéologie du paysage, a exercé à l’université de Tours. Officier dans l’ordre des Palmes académiques, Président de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, il nous relate son parcours professionnel et culturel, ses recherches et découvertes. Directeur de fouilles de sites romains et médiévaux, impliqué dans les domaines associatifs et techniques, il a été plusieurs fois président de la SEPANT (Société pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature en Touraine). Spécialiste des paysages forestiers et de leur histoire, il a œuvré à la défense de la nature. Écrivain régional, il a publié ou participé à une quinzaine d’ouvrages sur la région Centre et la Touraine.

 

En 2015, après un spectacle de poésie sur « Les yeux », nous avons accueilli l’invité d’honneur, M. Jacques Body, puis nous avons mis en valeur la vie, l’œuvre et la poésie de Joachim du Bellay.

Jacques Body, avant d’arriver à Tours, en octobre 1967, exerçait en tant que maître-assistant de littérature comparée à la Sorbonne. Il a ensuite soutenu sa thèse d’État sur « Jean Giraudoux et l’Allemagne ». Il a été le premier président de l’université de Tours de janvier 1971 à octobre 1973. Grand amateur de musique, il a créé le théâtre universitaire de Tours (actuelle salle Thélème), doté d’un piano Steinway pour accueillir les plus grands artistes. Il est membre de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine. Grand spécialiste de Jean Giraudoux, il a préparé et commenté les trois tomes regroupant l’œuvre de cet auteur parus dans La Pléiade ainsi que l’édition de poche, et plus récemment l’édition en folio théâtre de La guerre de Troie n’aura pas lieu. Sa conférence dans le jardin des Prébendes était centrée sur « Les Giraudoux, père et fils : rimailleurs ou poètes ? »

Joachim du Bellay (1522 – 1560), est lié à la Touraine par sa vie, sa famille, propriétaire du château de Gizeux à la Renaissance, à quelques kilomètres au nord de Bourgueil, aux confins de la Touraine et de l’Anjou. Il a mis la Loire à l’honneur. Ce poète de la Renaissance, défenseur du sonnet et de la langue française, reste spontané, intimiste, nostalgique, sincère. Dans son livre en alexandrins, Les Regrets d’inspiration descriptive, pittoresque, élégiaque, satirique et élogieuse, il exprime sa mélancolie de son pays natal et ses malheurs qu’il relativise en riant de lui-même.

 

En 2016, nous avons rendu hommage à Jacqueline Delpy, proposé un spectacle de poésie sur « Le partage » puis donné la parole à l’invitée d’honneur.

Paul Fort a beaucoup « chanté » la Touraine et sa « Tourangelle ». Dès dix-huit ans, il étonne par son esprit novateur. Il a côtoyé Stéphane Mallarmé et les symbolistes. Sa poésie dynamique, reste emplie de la fraîcheur de ses idées. Il nous emporte dans l’histoire, les légendes, les pays, le rêve et la poésie, près d’« Hélène tourangelle » qu’il nomme ensuite, « Germaine tourangelle ». Ses Ballades françaises représentent à elles seules, un monument, environ quarante volumes, écrits à partir de l’âge de vingt-quatre ans jusqu’à deux ans avant sa mort. Sa poésie spontanée, vivante, est indémodable.

Jacqueline Delpy, poète de la fraternité et de l’universel, amie en poésie de Léopold Sédar Senghor, présidente d’Art et Poésie de Touraine, possède une force poétique étonnante, sondant les profondeurs de l’âme. Sa poésie a été mise en lien avec de nombreux auteurs écrivains et poètes dont le philosophe Teilhard de Chardin, le poète contemporain Pierre Emmanuel et le romancier de renommée internationale, Paul Coelho. Elle veut que la flamme de la poésie soit au service de la beauté, d’une réflexion profonde hors de la toute-puissance néfaste de la société de consommation, dans le respect des plus pauvres, en toute humilité. Voici un de ses poèmes :

DENTELLIÈRE…

Je suis la dentellière des mots
Avec mon crochet de lumière
Qui me vient du cœur de la Terre
Ou d’un cœur encor bien plus haut ;

D’un cœur ouvert, d’un cœur qui saigne
Sous le fer qui le transperça…
Un point par ci, un point par là,
Ma main dans la dentelle baigne
Et trace des mots pleins d’amour,
Fleurs semées sous les pas des jours…

Car au sablier des poètes
Il s’écoule un sable de fête
Plus léger que bien des fardeaux.

Je suis dentellière des mots !

(Le Palais des possibles, page 23)

En 2017, nous sommes partis au fil des siècles à travers deux spectacles de poésie, l’un sur « Les jardins » et l’autre sur « Le bonheur ».

Nous avons aussi accueilli l’invitée d’honneur Christine Bousquet-Labouérie, agrégée d’histoire et Maître de conférence, habilitée à diriger des recherches, spécialisée en histoire médiévale à l’Université François-Rabelais de Tours. Elle a centré sa conférence sur les jardins au Moyen-âge. Présidente de la maison de l’Europe de Tours, humaniste, elle reste une chercheuse passionnée par les civilisations.

 

En 2018, nous avons laissé place à Charles Péguy, à l’invité d’honneur, M. Richard Forestier, puis à Mme Émeline Marot.

Charles Péguy (1873 – 1914), écrivain, poète, essayiste, penseur engagé, est un humaniste fraternel, intuitif, spontané, au grand talent poétique. Nous avons abordé sa vie puis présenté ses livres très nombreux et d’une grande force créatrice dont Jeanne d’Arc, Le Mystère des saints Innocents, Châteaux de la Loire, Jeanne d’Arc, Ève.

M. Richard Forestier, spécialiste d’Art-thérapie moderne, a centré son intervention sur : « Ballade scripturale tourangelle autour des Belles lettres, bons mots ».

Mme Émeline Marot, ingénieur de recherche, spécialisée en archéologie médiévale et archéologue du bâti, a présenté « Tours au Moyen Âge ».

 

En 2019, après un spectacle de poésie sur l’enfant, nous avons côtoyé Francis Vielé-Griffin, Balzac en Touraine puis donné la parole à l’invité d’honneur, Jean-Luc Porhel.

Francis Vielé-Griffin, poète symboliste, nous étonne par la force de son message moderne, empli de liberté, portant souvent l’empreinte du rêve et des symboles comme dans ses livres La Clarté de vie, Vision de midi

Avec Balzac, nous sommes partis dans la nature décrite dans Le Lys dans la vallée, en lien avec les battements de l’âme et l’éveil des sens à l’amour.

Jean-Luc Porhel, conservateur en chef du patrimoine, directeur des archives et du patrimoine de la ville de Tours, a présenté « Tours au temps de Balzac ».

 

En 2020, après un spectacle de poésie sur le thème du rêve, nous avons côtoyé Léonard de Vinci puis Victor Hugo.

Avec Léonard de Vinci vu par les écrivains, nous avons pu apprécier la diversité d’écriture de ceux qui ont voulu lui rendre hommage dont Giorgio Vasari qui a écrit la première biographie de lui, qui reste une référence sur les fondements de l’histoire de l’art.

Victor Hugo, géant de la littérature, grand romantique, poète, prosateur, dramaturge, était à l’honneur, à travers sa vie, son œuvre immense et sa poésie.

 

À travers cette rétrospective sur des auteurs du passé et du présent, nous avons cheminé avec le public pour garder souvenir de tous ces moments partagés durant vingt-deux années.

 

Mai 2021.

Catherine Réault-Crosnier.