PROMENADES LITTÉRAIRES
DANS LES JARDINS DES PRÉBENDES ET RENÉ BOYLESVE

Chaque vendredi d’août 1999, de 17 h 30 à 19 h

1ère partie : RONSARD

Portrait de RONSARD, dessiné par Catherine RÉAULT-CROSNIER

 

Le buste de RONSARD fut sculpté par Georges DELPÉRIER en 1924. Ce dernier s’est inspiré du buste du tombeau du poète (primitivement dans la chapelle du prieuré de Saint Cosme, aujourd’hui au musée de Blois). Sur le piédestal, des amours jouent avec les eaux et les roses rappelant que RONSARD fut le poète des amours et des roses.

 

Pendant la lecture de la rencontre sur Ronsard, au jardin des Prébendes, le 20 août 1999

 

Pierre de RONSARD (1524-1585) est un grand poète français. Il est né dans le Vendômois, au manoir de la Possonnière, en 1524. Il sera page à la cour du roi François Ier. Il voyage avec la cour (Écosse, pays allemands puis le Vendômois). Il devient écuyer. À seize ans, il devient brutalement sourd par intermittence, ce qui gêne sa carrière mondaine. Son père consent à ce qu’il soit poète à condition qu’il entre dans une voie ecclésiastique (pour avoir des revenus). Il accepte et commence à écrire, reprend ses études, apprend à connaître les poètes grecs, latins mais aussi italiens dont PÉTRARQUE.

En 1545, RONSARD rencontre Cassandre SALVIATI qui a seize ans. Elle lui inspire "Les Amours", recueil de poèmes à la louange de sa bien aimée. (Étrange coïncidence, une autre Cassandre de la descendance de Cassandre SALVIATTI, se mariera à Guillaume de MUSSET, de la famille du poète Alfred de MUSSET). Son premier recueil "Les Odes" (1550) est imité de PINDARE. "Les Amours" lui font suite de 1552 à 1555, dans un style plus personnel et moins savant.

La première partie des "Amours" de RONSARD est dédiée à Cassandre. La fraîcheur de l’amour naissant côtoie la nostalgie du temps fugace dans une atmosphère champêtre comme par exemple dans ce poème :

"Prends cette rose, aimable comme toi
Qui sers de rose aux roses les plus belles,
Qui sert de fleur aux fleurs les plus nouvelles,
Dont la senteur me ravit tout de moi.
Prends cette rose, et ensemble reçois
Dedans ton sein mon cœur qui n’a point d’ailes,
Il est constant, et cent plaies cruelles
N’ont empêché qu’il ne gardât sa foi.
La rose et moi différons d’une chose
Un soleil voit naître et mourir la rose,
Mille soleils ont vu naître m’amour.
Ah ! je voudrais que telle amour éclose
Dedans mon cœur qui jamais ne repose,
Comme une fleur, ne m’eût duré qu’un jour."

 

En 1549, Joachim DU BELLAY publie un livre de poèmes : "Défense et illustration de la langue française" qui est un manifeste de la nouvelle école poétique. RONSARD forme avec lui et d’autres, la "Pléiade" pour créer une poésie moderne en français (alors qu’avant le latin était privilégié comme la langue des érudits). Leur groupe a des idées, par exemple ils se permettent de jouer avec les formes et les mots. Ils osent fixer d’autres règles.

En 1554, RONSARD publie le "Bocage" puis il prend un ton grandiose dans les "Hymnes" (1555-1556).

En 1555, il rencontre Marie DUPIN. Il est alors abbé commendataire de Bourgueil. Elle lui inspire le second livre des Amours, dont des sonnets à Marie. Voici un extrait de ce livre :

"Marie, levez-vous, vous êtes paresseuse,
Jà la gaie alouette au ciel a fredonné,
Et jà le rossignol doucement jargonné
Dessus l’épine assis sa complainte amoureuse.
Sus debout ! allons voir l’herbelette perleuse.
Et sur votre beau rosier de boutons couronné,
Et vos œillets mignons auxquels aviez donné
Hier au soir de l’eau d’une main si soigneuse.
Harsoir en vous couchant vous jurâtes vos yeux
D’être plus tôt que moi ce matin éveillée :
Mais le dormir que l’Aube aux filles gracieux
Vous tient d’un doux sommeil encor les yeux sillée,
Ça, ça ! que je les baise et votre beau tetin
Cent fois pour vous apprendre à vous lever matin."

 

Il devient le poète officiel de la Cour de France, sous le règne de Charles IX. Il n’hésite pas à prendre parti dans "Les discours" (1562-1563) contre la Réforme.

En 1565, il reçoit le prieuré de Saint Cosme, à La Riche, près de Tours. En 1570, il rencontre Hélène de Surgères. Entre elle et RONSARD s’installe une douce amitié amoureuse. Il écrit ses admirables sonnets à Hélène. Elle contribue à faire apprécier ses poèmes à la Cour. Voici l’un des plus connus :

"Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, devisant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant,
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain :
Vivez, si m’en croyez, n’attendez pas demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie."

 

Ce poème est caractéristique de RONSARD car amour et fuite du temps y sont mêlés ; il voudrait supplier son amour :

"Aimez-moi, cependant qu’êtes belle".

Il sait que la jeunesse est fugace et qu’il est vite trop tard, lui qui a vieilli tôt, lui qui est déjà un vieillard à trente ans. Il perd ses cheveux qui blanchissent, ses dents tombent, il se courbe mais il a une incroyable soif de vivre et il vivra jusqu’à soixante-et-un ans. Il commencera une épopée "La Franciade" (1572) mais celle-ci restera inachevée.

Il meurt au prieuré de Saint Cosme, le 27 décembre 1585. Il écrira peu de temps avant sa mort, avec philosophie et humour :

"La matière demeure, et la forme se perd."

Sa poésie peut être militante ou engagée comme lorsque la paix est menacée (troubles déchirant la France) mais cette facette a été souvent oubliée au profit du poète de l’amour et du triomphe du lyrisme gracieux. Ses livres les plus connus sont dédiés à ses amours, Cassandre, Marie et Hélène. Ses poèmes étaient fredonnés à la Cour et en ville. Ce sont parmi les plus beaux sonnets de la langue française.

La nouveauté des mots utilisés, leur étrangeté comme "angelette", "brunette", "l’herbelette perleuse"... ne manquent pas de charme et témoignent de l’originalité de création de Pierre de RONSARD. Ses poèmes insistent sur l’émotion devant l’amour, la mélancolie et la mort. RONSARD restera l’un des plus grands poètes de la langue française, poète de l’amour et du temps qui passe plus vite qu’il le voudrait, poète aussi d’une certaine philosophie de vie quand il nous incite à profiter de tous les instants, quand il nous dit :

"Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie."

RONSARD est le poète des roses ainsi qu’il nous le dit par exemple dans un poème à Marie :

"Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ;
Mais battue ou de pluie ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose.
Ainsin en ta première et jeune nouveauté,
Quand le ciel et la terre honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses."

 

 

Catherine RÉAULT-CROSNIER

21 décembre 1998/août 1999

 

Si vous aimez RONSARD, vous pouvez visiter le prieuré de St Cosme à LA RICHE.

L’association des Amis de Ronsard perpétue le souvenir de cet auteur. S’adresser à M. LEVEEL, 102 rue Mirabeau - 37000 TOURS – Tél. : 02 47 05 52 01.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Pierre de RONSARD, Les amours, Éd. France Loisirs, 1984.