Dossier Maurice Rollinat

 

LA SANTÉ DE CÉCILE POUETTRE

Portrait de Cécile Pouettre par Catherine Réault-Crosnier.

 

Recherche documentaire

non exhaustive, réalisée par Régis Crosnier.

 

Version au 11 septembre 2023.

 

 

– I – Quand Cécile Pouettre parle de sa santé

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves datée du dimanche 19 (vraisemblablement août 1894). D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

(…)
Je suis très souffrante d’une forte bronchite qui a nécessité l’application de trois grands vésicatoires dans le dos, je vous écris de mon lit pendant que Maurice promène ses hôtes sur les bords de la Creuse. Avouez que la maladie a mal choisi son moment pour moi. Enfin cela va un peu mieux, et je commence à me lever. (…)

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves datée du 24 octobre (vraisemblablement 1894). D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Mes chers amis,

Voilà un temps infini que je veux vous écrire, je commence et la lettre reste inachevée, tant les allées et venues d’amis se sont succédées à la Pouge, alternant avec des crises d’asthme tellement violentes, que je devais recourir aux vésicatoires et par suite au lit. Enfin, nous voici rentrés dans le calme hivernal, la dernière crise tire à sa fin et j’en profite pour vous demander de vos nouvelles à tous.
(…)

Que devenez-vous tous ? Les santés d’abord. C’est le premier des biens, j’en parle savamment.
(…)

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves écrite à Fresselines le 31 décembre 1897. D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

(…)
Moi, je suis toujours très souffrante, mais j’arrive à me supporter, c’est tout ce que je peux demander.
(…)

 

– Extrait d’une lettre de Cécile Pouettre à Anatole Sainson datée du 20 février 1901, publié par Émile Vinchon dans Maurice Rollinat – Étude biographique et littéraire, page 204.

(…)
J’en suis à mon troisième phlegmon, je souffre horriblement et ce n’est que par un miracle de volonté que je tiens debout.
(…)

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Marcelle Alluaud expédiée de Fresselines le 13 juillet 1903. D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

(…)
Excusez ce griffonnage, j’ai très mal à un œil depuis quelques jours sans qu’on y voie rien – ce qui m’inquiète assez ; j’ai un brouillard et un moucheron imaginatif devant l’œil droit cela m’est fort pénible pour écrire.
(…)

 

– II – Dans la correspondance de Maurice Rollinat

– Lettre de Maurice Rollinat à Cécile Pouettre non datée (mais expédiée le 31 mai 1895). D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

[Cécile Pouettre s’est rendue à Paris suite au décès de sa mère le 30 mai 1895.]

(…) J’insiste pour que tu fasses procéder à l’analyse de ton urine. Le Docteur Durand que j’ai vu hier m’a dit qu’il n’était pas sûr des moyens ou engins employés pour effectuer sérieusement cette analyse. Fais la donc faire une bonne fois à Paris qu’on sache à quoi s’en tenir ! Et quel traitement il faudra suivre : (…)

Au revoir ma chère petite Cécile mignonne, prends bien les consultations nécessaires au sujet de ton état de santé. Fais analyser tes urines – et surtout, pas d’imprudences. (…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Cécile Pouettre non datée (mais du 1er juin 1895). D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

(…) Ne manque pas de faire analyser tes urines. Vois un homéopathe, si tu veux – mais, s’il t’était possible de consulter gratuitement – grâce au docteur Humbert ou Chambetier – le fameux médecin Potain, c’est à celui-là que je te disais de t’adresser, du reste après auscultation – j’ai absolument foi dans la science du Docteur Humbert : ce serait à lui de voir s’il juge à propos que Potain intervienne dans son diagnostic. (…)

Remarque de Régis Crosnier : Quand Maurice Rollinat parle du « fameux médecin Potain », il pense vraisemblablement au professeur Pierre Carle Édouard Potain (1825-1901) qui était un cardiologue renommé. Il en avait certainement entendu parler par Alphonse Daudet car son fils Léon durant ses études de médecine avait eu comme professeur M. Potain. Léon Daudet en parle à plusieurs reprises dans ses écrits. Deux ans après cette lettre, le professeur Potain sera appelé au chevet d’Alphonse Daudet mourant : « Les médecins arrivent en hâte. Le docteur Potain, qui l’aimait, tente le possible et l’impossible. » (Léon Daudet, Alphonse Daudet, Eugène Fasquelle éditeur, Paris, 1898, page 16).

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Cécile Pouettre non datée (mais entre le 31 mai et le 7 juin 1895). D’après l’original – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

(…) En tous cas, suis exactement ton régime, et ne fais pas d’imprudence : n’oublie pas avant de revenir de prendre du docteur Humbert – ou Chambetier une consultation bien en règle. Fais toi ausculter la poitrine et demande aussi l’analyse de ton urine. Un chimiste de Paris nous fixera encore mieux que l’apothicaire de Buxières.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Cécile Pouettre non datée (vraisemblablement début juin 1895). D’après l’original – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

(…)
Il faut absolument, ma chère Cilette, que tu ne quittes pas Paris avant d’avoir une consultation basée sur le résultat de l’analyse de tes urines. Tu dois utiliser ce triste voyage dans l’intérêt de ta santé. Il est nécessaire et urgent que tu suives un régime, et que tu saches à quoi t’en tenir sur ton état. Prolonge donc ton séjour s’il le faut pour avoir le résultat de l’analyse et la consultation. Je souffrirai de ton absence, mais je m’en consolerai en pensant que je l’endure pour ton bien.

(…) Soigne-toi bien, ma chère petite Cécile mignonne, et profite, je t’en supplie de ce voyage pour consulter et savoir d’un vrai praticien le régime à suivre : tu n’as rien de plus cher que ta santé. (…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Cécile Pouettre non datée (mais avant la mi-juin 1895). D’après l’original – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

Ma chère petite Cécile,

Je suis bien heureux de savoir que le docteur n’attache pas de gravité à l’albuminurie qui a pu se produire au moment de la crise. J’ai grande foi dans sa science et je m’en remets absolument à son diagnostic et au traitement qu’il ordonnera. Je suis persuadé que robuste et jeune comme tu l’es, tu dois, à force de régime et de prudence, triompher de cet affreux mal, et qu’une fois guérie, tu seras solide comme un pont mais, il faut faire le nécessaire et éviter tout ce qui pourrait retarder l’amélioration.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Henri Caruchet, datée du 31 janvier 1899.
Publiée par Christian Moreau dans le Bulletin de la société « Les Amis de Maurice Rollinat », n° 54 – Année 2015, pages 100 et 101.

Paris – Mardi Le 31 janvier 99
rue Lamartine 4.

Mon cher Caruchet,

Nous nous rendrons certainement à votre bonne invitation, mais je ne puis encore vous fixer le jour, Cécile souffrant pour le moment d’un phlegmon au ventre que le Docteur doit ouvrir demain ou après-demain(2).

Aussitôt qu’elle ira mieux, nous prendrons jour avec vous et nous passerons quelques bonnes heures ensemble.
(…)

Remarque du Dr Christian Moreau :

(2) La lettre confirme que Cécile Pouettre souffrait d’infections cutanées à répétition (que certains ont attribuées à des injections répétées de morphine, ce qui est une explication sinon prouvée, du moins plausible). Il est probable que le couple s’est rendu à Paris chez le Docteur Gaston Humbert, beau-frère de Cécile, qui était chirurgien des hôpitaux de Paris et chef de service de dermatologie.

Remarque de Régis Crosnier : Un phlegmon est « une inflammation aiguë des tissus conjonctifs, pouvant évoluer vers la formation d’un abcès » (http://atilf.atilf.fr/). Maurice Rollinat précise que celui-ci doit être « ouvert » par le Docteur [Gaston Humbert] ; cela signifie qu’il doit y avoir du pus. Par la suite, il sera question des abcès que Cécile Pouettre avait au ventre.

 

– Lettre de Maurice Rollinat au docteur Bertrand de la Celle-Dunoise datée du 22 août 1903. D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Equinoxe (Châteauroux - Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Mon cher Docteur

Deux mots pour vous dire que ce matin même, nous avons été totalement rassurés par le Docteur Dujardin-Beaumetz, directeur en chef de l’Institut Pasteur.

Voici ses propres paroles : « En fait d’affection rabique, vous n’avez rien, Madame, absolument rien ! Votre maladie n’est pas de notre ressort. »

Cécile devra suivre un traitement anti-nerveux. Voilà tout.

Quelle désoppression pour mon cœur et quelle joie pour nous tous.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Léo d’Agéni, datée du 22 août 1903. D’après le fac-similé publié par Régis Miannay, pages 508, 509 et 510 de Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique (Imprimerie Badel, Châteauroux, 1981, XVII + 596 pages).

Mon cher d’Agéni,

Ce matin même, nous avons été totalement rassurés par le docteur Dujardin-Baumetz, directeur en chef de l’institut Pasteur. Voici ses propres paroles : en fait d’affection rabique, vous n’avez rien, Madame – absolument rien ! votre maladie n’est pas de notre ressort – Cécile devra suivre un traitement anti-nerveux qui détruira les contractions et spasmes de la gorge et de l’œsophage. Voilà Tout ! –

Quelle désoppression pour mon cœur et quelle joie pour nous tous ! –

Nos meilleurs souvenirs aux Thiennot auxquels vous voudrez bien communiquer la bonne nouvelle aussitôt – et pour vous, mon cher d’Agéni, notre plus cordiale poignée de main.

M. Rollinat.

Dites bien à Victorine combien Cécile a été touchée de sa poignée de main cordiale et de l’affection qu’elle a lue dans son regard. J’espère qu’on n’a pas touché aux chiens et je donne l’ordre formel qu’on les soigne comme à l’ordinaire jusqu’à notre retour. C’est du reste sur l’avis de M. Dujardin-Baumetz que j’écris ceci, car, en ce qui concerne Thopsey, il faudrait pour ce docteur encore au moins 2 mois pour pouvoir se prononcer dans un sens ou dans un autre : en tout cas, il m’a dit que l’inoculation première qui en a été faite sur des lapins n’a eu aucune espèce de résultat rabique, il y a donc lieu, jusqu’à plus ample information, de conserver un doute sur la rage de Thopsey. –

 Je vous répète que le directeur de l’institut Pasteur a parlé à Cécile avec la plus énergique et sourieuse affirmation ; sur l’insistance du docteur Humbert, de moi et de Cécile même, il a refusé de faire à la malade toute espèce d’inoculation de sérum, ce qui prouve bien qu’il considérait la chose comme absolument superflue et ce qui nous donne à nous la plus parfaite sécurité. –
(…)

 

– III – Témoignages d’amis

– Lettre d’Eugène Alluaud à Raoul Lafagette datée du 6 novembre 1903 (collection particulière).

(…)
Le lendemain nous recevons un télégramme nous disant que Cécile était morte. – Elle était entrée dans la maison à 8h du soir et elle mourait le lendemain matin de bonne heure. – De quoi est-elle morte ? de la rage ? peut-être – nous n’en saurons jamais rien. – Il est possible que ce soit de la morphine : je me souviens qu’il y a deux ans le Dr Humbert avait dit qu’elle ne tiendrait pas deux ans si elle continuait à se piquer. Or, non seulement elle a continué mais les doses étaient plus fortes.
(…)

 

– Portraits d’Hier n° 31 du 15 juin 1910.
« Maurice Rollinat » par Judith Cladel.

(page 29)
Là-bas, sur les bords de la Creuse, il vivait avec une compagne dévouée, servante au grand cœur qui l’entourait de soins et d’attentions, protégeait son travail, recevait ses amis, surveillait sa santé, fréquemment menacée. Elle-même, souffrant d’une grave affection organique, dut avoir recours à la morphine. Elle abusa, dit-on, de la drogue douce et terrible, l’Idole Noire, selon la belle expression de Laurent Tailhade et elle mourut, intoxiquée, au milieu d’affres très semblables à celles que cause la rage. (…)

 

– Les Feuilles du Bas-Berry n° 33, août 1930, page 803.
« La fin de Maurice Rollinat d’après le Docteur Humbert » d’Émile Quillon.

(…)
Voici ce qu’il me raconta : « Déprimé considérablement au point de vue moral et physique, tant à cause de la mort de son amie (due non à la rage, mais au tétanos consécutif à des abcès multiples ainsi qu’en présentent les morphinomanes) que par une affection chronique que le docteur Humbert ne spécifia point, Rollinat décida d’en finir avec l’existence. (…)

 

 

(NB 1 : Les extraits provenant des collections de la médiathèque de Châteauroux ont été mis en ligne avec l’autorisation de M. Sébastien Rahon, Directeur de la Culture et Directeur du réseau des bibliothèques de la ville de Châteauroux, en date du 11 septembre 2023.)

(NB 2 : Ne figurent pas dans cette recherche les travaux des biographes de Maurice Rollinat comme Émile Vinchon, Hugues Lapaire ou Régis Miannay.)