Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Figaro

Jeudi 23 juillet 1896

Page 5.

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

 

LA VIE LITTÉRAIRE

LES LIVRES

(…)

POÉSIE

M. Maurice Rollinat vient d’ajouter à son œuvre un nouveau volume de poésies : Les Apparitions (chez Charpentier). On y retrouvera, outre le beau peintre des choses de la nature, un évocateur des croyances, des conceptions fantastiques de la campagne, des forêts, des visions des heures mystérieuses et des fantômes qui peuplent la nuit, dans les campagnes. On y trouvera, à côté de beaux et larges morceaux, des pièces ingénieuses par la forme, mais dont le fond est toujours l’idée philosophique, laquelle vit dans tous ces poèmes. En voici, par exemple, un intitulé « la Montre » :

Au lieu d’accroître l’existence
Par son ignorance du temps,
L’homme en compte tous les instants,

La raccourcit avec une horrible constance.

Sans trêve, le calendrier
Redit son âge et le lui montre.
Il avait fait le sablier !
Il a fallu qu’il fit la montre :

Cela qui vit, travaille, a des pulsations

Tout comme le sang de ses veines,

Pour – mesurant leur cours – rendre encore plus vaines

Sa pensée et ses actions.

Il l’a partout sur sa poitrine,
Y battant presque avec son cœur,
Cette mécanique chagrine

Qui, de ses tristes jours, avec tant de rigueur,
Suit, en la divisant, l’incertaine longueur.

Maint souffrant se surprend souvent à l’éviter,

Frissonne de la consulter,

Car, hélas ! plus on souffre et plus on se défie !

Il ne peut retarder sans trac
Cette bête ronde à tic tac
Par secondes, mangeant sa vie.

Sans préciser davantage, qu’il me soit permis de préférer les vers qui riment et renferment une idée à ceux qui ne sont faits que d’idées et de mots si vagues qu’il est permis à tout lecteur d’y comprendre ce qui lui plaît, si tant est qu’il daigne se donner la peine de chercher à comprendre.

Philippe Gille.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Philippe Gille (né le 10 décembre 1831 à Paris, décédé le 19 mars 1901 à Paris) est un critique littéraire et artistique, auteur dramatique et librettiste. Il a été élu à l’Académie des Beaux-arts en 1899 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb122040509). En tant que journaliste, il a aussi écrit sous le pseudonyme « Le Masque de Fer » (https://cths.fr/an/savant.php?id=121866).

Il a déjà fait la présentation du livre Les Névroses de Maurice Rollinat, dans sa « Revue bibliographique » parue dans Le Figaro du 14 mars 1883, page 6, et du livre Dans les Brandes dans Le Figaro du 22 août 1883, page 6. Il a simplement annoncé la parution du livre L’Abîme dans sa rubrique « Échos de Paris » signée « Le Masque de fer » publiée dans Le Figaro du 24 avril 1886, page 1. Il a également fait une courte présentation du livre La Nature dans Le Figaro du 6 juillet 1892, page 6, rubrique « Revue bibliographique ».

– 2 – Le poème « La montre » est donné en entier ; il figure dans Les Apparitions, pages 72 et 73.