Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Figaro

Mercredi 28 octobre 1903.

(Voir les textes d’origine sur Gallica.)

 

 

Page 1 :

 

Échos

(…)

Parmi les artistes et poètes qui fréquentèrent, il y a vingt-cinq ans, le cénacle littéraire des « Hydropathes », Maurice Rollinat fut le troisième – après André Gill, après Jules Jouy – qui sombra dans la folie.

A ce propos, voici un sonnet de Rollinat paru dans le journal l’Hydropathe, en 1879, et dans lequel l’auteur des Névroses confesse sa « spécialité » diabolique et macabre :

A Charles Frémine.

Toi, tu vis dans l’azur et moi dans les abîmes ;
Et, tandis que mes vers, pleins de brume et de fiel,
Ont des parfums de mort, de débauche et de crimes,
Les tiens ont la saveur du lait frais et du miel.

Moi, j’enchâsse l’horreur en d’infernales rimes
Et j’enfonce en mon cœur un morbide scalpel ;
Toi, tu chantes l’amour et le beau, tu l’exprimes :
Satan ne t’a jamais fait de nocturne appel.

Et pourtant mon esprit vers ton âme se penche,
Et mon spleen ténébreux, lorsqu’en toi je m’épanche,
Au bras de ta gaieté pour un instant s’endort :

C’est que toi, radieux, et moi, criblé d’alarmes,
Nous nous chauffons tous deux à l’Art, ce soleil d’or
Qui jette ses rayons aux hideurs comme aux charmes !

 

 

Page 2 :

 

Le Monde & la Ville

(…)

DEUIL

(…)

– Les obsèques de M. Maurice Rollinat auront lieu jeudi à Châteauroux, son pays d’origine.

Il ne sera pas envoyé de lettres de faire part.

 

Ferrari.

 

 

Page 3 :

 

NOTES D’UN PARISIEN

Voilà encore un poète qui meurt comme mouraient les poètes de jadis, à l’hôpital. C’est l’exception, aujourd’hui. Les poètes, aussi bien que les peintres, ont trouvé, en effet, le chemin de la fortune. Mais tous ne sont pas également favorisés et, après celle de Verlaine, la mort de Maurice Rollinat vient attester que la poésie n’est pas encore une carrière de tout repos.

Le grand public ne connaissait pas les vers de Rollinat. Les lettrés eux-mêmes avaient été assez longs à les apprendre. Ce fut ici même, dans le Figaro, qu’Albert Wolff appela un jour l’attention sur le poète. Il le fit en tels termes que Rollinat fut, à l’instant, l’homme du jour. Mais les jours de gloire passent encore plus vite que les jours ordinaires. Les salons, en même temps que les brasseries, s’arrachèrent Rollinat ; puis, brusquement, il dit adieu à Paris, et alla s’enfermer dans un coin de province.

Que lui était-il donc arrivé ? Ce qui arrive bien souvent à Paris. Il avait, comme on dit, mangé son pain blanc le premier. Après les belles fanfares du début, le silence s’était fait peu à peu, et plus personne ne s’occupait de Rollinat. Il meurt pauvre et oublié, quoique encore bien jeune. Mais sa mort va le remettre en évidence. Nous excellons à rendre justice aux gens quand ils ne sont plus là pour en profiter. Les livres de Rollinat vont peut-être se vendre, maintenant, et d’inconnu ou méconnu qu’il était, il va, définitivement, devenir célèbre…

 E.