Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Livre : revue du monde littéraire – Archives des Écrits de ce temps –

10 mars 1888

Page 149

(Voir le texte d’origine sur Gallica)

 

 

GAZETTE BIBLIOGRAPHIQUE

 

– La Musique de Rollinat. – « C’est le prolongement de la poésie », s’écria un jour Leconte de Lisle après l’audition de quelques mélodies du poète des Névroses et de l’Abîme, chantées au piano par l’auteur. Les musiciens – de métier – se complaisent à reprocher à ces mélodies ce qu’ils appellent des incorrections de style. Nous leur répondrons : Si vous le voulez, cela n’est pas de la musique, c’est plus beau que de la musique ! Toujours greffée sur de précises paroles de nature ou sur de profondes et souvent cruelles analyses du cœur de l’homme, elle semble constamment doubler la valeur des mots et les rend en quelque sorte lumineux. Ne cherchez rien de comparable à aucun maître connu. Tâchez d’imaginer les plus beaux vers des Fleurs du mal ou des Névroses dégageant leur âme en ondes sonores, soudain violentes comme les plus violentes passions, soudain plus douces que l’amour, plus bleues que les yeux bleus, plus fraîches que les roses, toujours ensorcelantes. De la musique étrange ! pense-t-on d’abord. De la musique naturiste, vient-on à se dire après quelques auditions. De la musique toute nue ! et prodigieusement mariée cependant aux transparentes et miroitantes pierreries d’une harmonie qui enveloppe et côtoie la mélodie, comme feraient d’autres mélodies sœurs de la mélodie première. Qui interprétera de tels chants ? Des initiés, des curieux d’art d’abord, et un jour, par fatigue des éternelles sérénades d’opéras, après une tentative heureuse d’un amateur audacieux, les salons parisiens tout entiers, plus dilettantes, plus avides que l’on ne pense, de subtiles sensations, mais paresseux de découvertes et ne croyant qu’avec méfiance à l’apparition d’un talent réel, surtout s’il est dénoncé comme original.

Après les trente mélodies déjà parues chez Hartmann et Lemoine, dix autres sont mises en vente par Félix Mackar, 22, passage des Panoramas : la Chanson des yeux, la Neige, Nuit tombante, Tranquillité, les Deux serpents, l’Aboiement des chiens dans la nuit, les Yeux morts, la Maladie, la Folie, les Larmes du monde.

C’est là un événement artistique sur lequel nous attirons l’attention des lecteurs du Livre.