Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Pierrot

1ère année, n° 9 – 31 août 1888

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(Voir le texte d’origine sur le site Internet de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image)

 

 

NE BOUGEONS PLUS !…

 IV. – ROLLINAT.

 

Des yeux clairs à éclat métallique, le front comme martelé par des coups de pouce de statuaire génial, de grands cheveux auréolant la tête, noirs ainsi que la moustache, tout l’être nerveux, un sensitif exacerbé par de subtiles impressions de nature, Allan Edgar Poë devenu villageois dans le Berri.

Rollinat regrette Paris parfois : « Quand je rentre dans certains crépuscules, j’ai de la nostalgie, je voudrais qu’en ouvrant une fenêtre il m’arrivât une bouffée de boulevard, seulement pendant cinq minutes ! »

Poète et musicien, les deux ne faisant qu’un, sachant noter l’harmonie des choses et combiner le rythme des mots, connaissant les mille onomatopées éparses sur la terre, il est bien l’aède antique qui va chantant ses vers en toute la sincérité et la conviction de son art. Sa muse est une sphinge à la crinière de couleuvres et de vipères, aux regards profonds d’ombre, aux lèvres terribles de vampire, à la croupe rude et annelée de squelette.

Le rêveur des grands bois, le campagnard de là-bas, le solitaire des brandes, familier aux bruits de la nature, aux « aboiements des chiens dans la nuit », est l’acteur né d’un art théâtral unique, d’une mélodramatique musique effroyablement suggestive. Rollinat se met au piano, plaque de ses doigts nerveux des accords répétés, se penche sur l’instrument comme pour l’étreindre, rejette sa tête en arrière comme dans un recul d’épouvante, et, d’une voix tour à tour caverneuse, vibrante, douce ou formidable, chante la mélopée du fou, et l’on est saisi alors malgré soi d’un trouble même pénible d’admiration, des frissons vous courent dans les moelles, la jouissance artistique confine au malaise, c’est tenaillant et douloureux, – c’est superbe !

COLLODIO.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – L’ensemble de ce texte va constituer le début de l’article La Vie littéraire signé Maurice Guillemot, entièrement consacré à la présentation du livre Les Apparitions de Maurice Rollinat, paru dans le Gil Blas du 29 juin 1896, page 2.

– 2 – Maurice Guillemot (1859-1931) est un journaliste et un écrivain. Il est également le fondateur de la Société internationale des aquarellistes.

– 3 – Dans l’article du Pierrot, Maurice Rollinat est qualifié d’ « aède antique » ; cette expression a été corrigée dans La Vie littéraire en « aède rustique ».