Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Progrès libéral (Toulouse)

Dimanche 26 novembre 1882

Page 1.

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

 

CORRESPONDANCES

LETTRE PARISIENNE

Paris, 24 novembre.

(…)

M. Rollinat est, comme vous l’avez appris déjà, le triomphateur du jour. Les journaux, non contents de nous retracer sa biographie, nous ont initié à ses habitudes, à son genre de vie, nous l’ont montré savourant un vermouth au cabaret du Chat-Noir et y récitant à un auditoire enthousiaste et fiévreux le Soliloque de Troppmann et Mlle Squelette. Le Figaro, qui a « le premier entre tous ses confrères » célébré le talent, la beauté fantastique, la pantomime puissante et la diction pathétique du « nouveau Beaudelaire » l’a invité à venir dans une soirée qu’il offrait à ses amis déclamer quelques-uns de ses poèmes les plus macabres. M. Rollinat est venu ; il a fait « frémir » les assistants, entre deux morceaux de musique hongroise joués par des citharistes de passage à Paris. Et les reporters de courir derechef aux renseignements, de nous faire savoir que M. Rollinat croit véritablement à l’existence des gnomes et des démons, et qu’il « grince d’horreur » pour avoir entr’aperçu un feu follet dans la campagne. Tout cela peut être exact, mais commmence à lasser un peu le public ici. Ces éloges hyperboliques prodigués à un poète avant la publication de son livre, cette réclame bruyante, ce tapage autour d’un écrivain qui n’a point encore fait ses preuves, sortent de nos habitudes, et ont je ne sais quel air, on l’a dit avec justesse, de cabotinage littéraire, qui est bien de tous les cabotinages le pire. Je pense, pour moi, que M. Rollinat est un versificateur rompu au métier (et je n’en veux pour gage que sa belle traduction du Corbeau d’Edgard Poë) et un poète d’un rare mérite, quoique, pour citer une phrase de Baudelaire qui s’applique fort bien aussi à Baudelaire lui-même, « avec ce diable d’homme on ne sache jamais où le comédien apparaît. » Qu’il publie donc au plus tôt ses livroses, et qu’il fuie ces chapelles et ces cénacles où se complaisent les médiocrités prétentieuses, et pour cause, qu’il cache plus sa vie, et répande davantage son esprit, selon le conseil du maître.

Marcel Fouquier.

 

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Attention : il ne faut pas confondre Marcel Fouquier, journaliste et ami de Maurice Rollinat, avec Marcel Fouquier (1866-1961) fils d’Henry Fouquier.

– 2 – L’auteur écrit : « Les journaux (…) nous l’ont montré savourant un vermouth au cabaret du Chat-Noir ». Une expression similaire avait été utilisée par Henry Fouquier dans sa « Chronique » paru dans Le XIXe siècle du 23 novembre 1882, page 2 : « Nul n’ignore qu’il prend son vermouth au café du Chat noir. » D’autres points communs existent entre les deux articles comme l’évocation de la soirée dans les locaux du Figaro ou l’attente de la publication du livre Les Névroses.

– 3 – La réception de Maurice Rollinat dans les locaux du Figaro, a été relatée dans l’article « Maurice Rollinat au Figaro » paru dans Le Figaro du 21 novembre 1882, page 1.

– 4 – À la place de « Qu’il publie donc au plus tôt ses livroses, », il faut bien évidemment lire : « Qu’il publie donc au plus tôt ses Névroses, ».