8èmes RENCONTRES LITTÉRAIRES
DANS LE JARDIN DES PRÉBENDES, À TOURS

Vendredi 11 août 2006, de 17 h 30 à 19 h

 

Léopold Sédar SENGHOR,

un poète africain en Touraine

(1906 – 2001)

Portrait de Léopold Sédar SENGHOR par Catherine RÉAULT-CROSNIER.

 

Lire la présentation de cette « rencontre ».

 

Tout au long de l’année 2006, nous célébrons le centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, c’est pourquoi la France et plus particulièrement la Touraine souhaitent lui rendre hommage. La Touraine tient une place à part dans le cœur de ce poète et homme célèbre qui fut le premier Président de la République du Sénégal à partir de 1960, élu à l’Académie française en 1984. Léopold Sédar Senghor a enseigné au lycée Descartes de Tours, de 1935 à 1938 et a écrit des poèmes durant cette période comme pendant toute sa vie.

Une partie du public lors de la Rencontre du 11 août 2006, consacrée à Léopold Sédar Senghor.

Sa biographie

Léopold Sédar Senghor est né à Joal, au sud de Dakar, au Sénégal, le 9 octobre 1906. Sa famille est aisée, enracinée dans la société traditionnelle : son père catholique est un Sérère descendant de Mandingues du Mali ; c’est un riche commerçant et un éleveur de bétail. Il a comme la plupart des Sérères, cinq épouses et vingt-cinq enfants. Sa mère est Peule. Les noms africains ont pour la plupart, un sens. « Léopold » signifie « le lion téméraire » et « Sédar », « celui qui ne pourra jamais avoir honte ». Il grandit librement jusqu’à sept ans, élevé par les femmes, éduqué par son oncle maternel qui lui apprend à lire la nature et à interpréter les signes du cosmos.

À partir de sept ans, il étudie à l’école des Pères du Saint-Esprit où il apprend le latin, le catéchisme en autres, ce qui le change brutalement d’éducation, mais il s’adapte sans problème. À seize ans, il entre au Séminaire-Collège Libermann à Dakar où il est remarqué par ses capacités intellectuelles. Il y apprend la pureté de la langue française, langue qu’il maîtrisera parfaitement. Il dira d’ailleurs qu’elle a une vocation universelle, que c’est « la langue des dieux » (Postface d’Éthiopiques, « Œuvre poétique », p. 167).

Il continuera dans l’enseignement laïc grâce à une bourse. Il obtient son baccalauréat en 1928 puis il part pour Paris où il fera hypokhâgne et khâgne au lycée Louis-le-Grand, il sera ensuite étudiant à la Sorbonne. Durant cette période, il se liera d’amitié avec Georges Pompidou et Aimé Césaire. Pour se présenter à l’agrégation, il faut être français. Il est donc naturalisé le 1er juin 1932. Proche de la philosophie de Bergson, il lui rendra hommage par la suite car cet écrivain lui a permis de se libérer d’un cartésianisme étouffant. Socialiste, il assiste à l’éclosion des mouvements noirs intellectuels des années 1930. Il ne veut pas être assimilé à la culture française bien qu’ayant obtenu l’agrégation de grammaire. Il veut en premier rester noir et fier de l’être.

Au printemps 1930, Senghor découvre la Touraine à bicyclette avec son ami Pham Duy Khiêm, cinq ans avant d’y travailler comme professeur.

En 1934, il fonde avec le guyanais Léon Gontran Damas et son ami Aimé Césaire de la Martinique, la revue « L’étudiant noir » qui refusait l’asservissement de l’âme africaine à la culture française (Elle se limitera à son numéro 1 mais sa démarche est significative).

Du 20 octobre 1934 au 12 octobre 1935, il effectuera son service militaire à Verdun puis à Paris.

Reçu à l’agrégation de grammaire en juillet 1935, il devient ainsi le premier Africain noir agrégé de France. À la mi-octobre 1935, Léopold Sédar Senghor débutera comme professeur de Français-Latin (et de Grec), au lycée Descartes de Tours où il exercera jusqu’en 1938. Il aura de nombreux amis dont Louis Guiton (126, boulevard Béranger à Tours) avec lequel il fera des promenades à vélo en Touraine. Il lit dans des réunions entre amis, ses ébauches de poèmes qui seront publiés après la guerre dans « Chants d’ombre » en 1945 et « Hosties noires » en 1948 (certains des poèmes font allusion à des évènements postérieurs à son séjour en Touraine).

Il prépare de plus, une thèse sur les formules verbales dans les langues du groupe sénégalo-guinéen et suit des cours de langues à Paris en parallèle. À Tours, il a publié ses poèmes dans « Cahiers du Sud » notamment « La Mort » et « Nuit de Sine ». Il faudra attendre la dernière édition d’« Œuvre poétique » en 1990, pour découvrir d’autres poèmes tourangeaux inclus dans « Poèmes perdus » dont « Printemps de Touraine », « Encore toi », « Blues ».

En octobre 1938, Senghor sera affecté comme professeur, à Saint-Maur-des-Fossés. En 1940, il est fait prisonnier et errera pendant deux ans de stalag en stalag. Après la guerre, il retrouve son poste de professeur et occupe aussi une chaire d’africanisme à l’École Nationale de la France d’Outre-Mer.

En 1945, il accède à la notoriété en étant élu député du Sénégal à l’Assemblée Constituante. Parallèlement, il publie son premier recueil « Chants d’ombre » puis « Hosties noires » et en 1948, la célèbre « Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française ».

En septembre 1946, Léopold Sédar Senghor se marie avec Ginette Éboué, la fille du gouverneur de l’Afrique Équatoriale Française, dont il divorcera en 1955. De ce mariage, Senghor a eu deux fils, Francis et Guy.

Après une période de vide mystique pendant dix ans, il renouera avec une vision personnelle du catholicisme influencée par Théodore Monod et Teilhard de Chardin.

Il défend la culture afro-française, en se servant de l’enseignement. Pour lui, la négritude n’est pas un repli sur soi mais une affirmation de l’existence de la valeur de la culture noire, une ouverture sur le monde, sur l’homme universel ce qui explique que durant toute sa vie, il écrit et publie beaucoup en particulier sur la négritude, « un mouvement de révolte contre l’état d’infériorité dans lequel les Noirs et tous les peuples dominés étaient tenus par le colonisateur, (…) » (allocution de Marcel Boiteux, Président de l’Académie des sciences morales et politiques, le 5 mars 2002, p. 2). Léopold Sédar Senghor la définit lui-même ainsi :

« La Négritude, c’est une certaine manière d’être homme, surtout de vivre en homme. C’est la sensibilité et, partant, l’âme plus que la pensée » (allocution de Marcel Boiteux, Président de l’Académie des sciences morales et politiques, le 5 mars 2002, p. 3).

Il revient en Touraine en 1953, accueilli par M. Sableaux, à l’Institut de Touraine où il prononça une conférence sur la nouvelle poésie nègre en langue française. (Le Journal du siècle, p. 150)

Il est Secrétaire d’État à la présidence du Conseil en 1955-1956, député puis ministre de la IV° République sous le général de Gaulle en 1959 et 1960. Il désire l’indépendance nationale pour son pays car il estime que « c’est le droit sacré, inaliénable de tout peuple qui se veut nation, qui est animé… d’un commun vouloir de vie commune, droit de disposer librement de soi, de choisir sa vie originale » (allocution de Jean Foyer de l’Académie des sciences morales et politiques, le 5 mars 2002, p. 1). Il préconisait une reconnaissance de l’indépendance des territoires africains.

En 1957, il épouse en secondes noces, Colette Hubert, une française originaire de Normandie. Ils auront un fils, Philippe Maguilen.

En 1960, il est élu le premier Président de la République du Sénégal puis réélu quatre fois jusqu’en 1981 où il quitte le pouvoir à 74 ans. En 1961, il publie « Nocturnes ».

En 1966, il fonde le festival des Arts nègres pour conserver le patrimoine culturel des nations noires.

En 1969, il est élu membre associé étranger de l’Académie des sciences morales et politiques à Paris.

En 1984, il est élu Membre de l’Académie française où il sera reçu le jeudi 29 mars. Il est le premier africain à siéger sous la coupole. Lors de sa réception, il fera l’éloge de son prédécesseur, M. le duc Lévis Mirepoix, écrivain historien qui remit en question la manière de voir l’Histoire dans son intégralité ce qui ne pouvait laisser Léopold Sédar Senghor indifférent comme par exemple lorsqu’il parle de la construction de la France puis de l’atténuation de l’esclavage : « On se demande comment les nations d’Europe ont pu admettre (l’esclavage) outre-mer, quand toutes se réclamaient du christianisme ! » (discours de réception à l’Académie française, p. 9).

À la mort de ce poète-président, c’est Valéry Giscard d’Estaing qui sera reçu à sa place et fera son éloge dont voici un extrait : « Je partirai d’abord à la recherche du petit gamin aux fines jambes noires, lisses comme deux traits d’encre, qui courait sur la plage de Joal pour y attendre le retour de la pêche des longues pirogues, gai et insouciant comme l’Afrique ; de l’élève appliqué, puis de l’étudiant déraciné ; du poète de la contestation anti-coloniale et anti-esclavagiste, puis du chantre de la négritude ; et enfin du poète apaisé par la francisation d’une partie de sa culture, à la recherche lointaine, et sans doute ambiguë, d’un métissage culturel mondial. » (p. 3 et 4)

En 1985, il retournera en Touraine, à l’occasion du colloque organisé par l’université sur son œuvre. (Nouvelle République du 20 novembre 2005)

Il a obtenu d’innombrables prix littéraires et a été décoré des plus hautes distinctions tant au Sénégal qu’en France. Il est médaille d’or de la langue française, prince en poésie (1977), docteur honoris causa de trente-sept universités dont Paris-Sorbonne. La Touraine l’a accueilli : il était membre non résidant de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine et les deux conférences qui lui ont été consacrées en 1996 avec René Fillet et en 2001 avec Jacqueline Delpy, sont là pour prouver l’attachement des Tourangeaux à cet homme d’exception.

Il était Membre d’honneur d’Art et Poésie de Touraine dont la présidente à l’époque, Jacqueline Delpy a échangé de nombreux courriers avec lui, courriers dont elle nous a confié la substance philosophique lors de la conférence qu’elle a faite dans le cadre de l’Académie de Touraine, en 2001. Elle transmet ses paroles, montrant que pour lui, la poésie était au-dessus de tout quand il dit :

« Mes poèmes, c’est là l’essentiel » (Mémoires de l’Académie, 2001, p. 12).

Il est mort à Verson, sa commune d’adoption, en Normandie, le 20 décembre 2001 et des présidents et amis du monde entier sont venus à son enterrement au Sénégal. Des milliers de fidèles, des personnalités étrangères de toute confession politique et religieuse se sont retrouvés en la cathédrale de Dakar, à la messe de requiem de Senghor. Mais la vie de Senghor ne se termine pas là, sa mémoire reste en chacun d’entre nous. Un timbre français est sorti en 2002, (dessiné par Marc Tarakoff d’après une photo de Mychele Daniau). Pour le centenaire de sa naissance cette année, en 2006, des manifestations sont organisées dans le monde entier, vaste chaîne de fraternité à l’image de la civilisation de l’Universel, une conception de Senghor héritée de Pierre Teilhard de Chardin.

Le souvenir de Senghor est entretenu au lycée Descartes comme en témoigne l’exposition (divers panneaux) réalisée en 2002, sur la vie politique et l’œuvre littéraire de Léopold Sédar Senghor. Une plaque est installée au centre de documentation pour le rappeler aux jeunes lycéens. (Nouvelle République du 23 mai 2002).

 

Son portrait et sa célébrité dans le monde entier

Il se décrit lui-même dans son recueil Chants d’ombre :

« Bon collègue poli, élégant – et les gants ? – souriant, riant rarement. Vieille France, vieille Université, et tout le chapelet déroulé. » (Œuvre poétique, p. 31)

En 1937, en tant que professeur de français au lycée Descartes de Tours, « il tenait parfaitement sa classe, apprenant aux jeunes Tourangeaux à aimer les auteurs de leur pays, (…) » Il habitait avec trois autres collègues célibataires, au « 89 boulevard Heurteloup. Ils avaient leurs habitudes, et parmi elles, un restaurant rue Bernard Palissy, près de la gare. M. Senghor bon vivant et poète, était le plus méthodique du groupe, se levant tôt, il s’accordait une demi-heure de culture physique et une heure de poésie, avant de commencer sa vie de professeur. Avec lui, on ne s’ennuyait jamais (…) Poète, M. Senghor était aussi un excellent chanteur » (Le journal du Siècle, p. 150)

Le docteur Jack Vivier qui fut élève au lycée Descartes, le décrit ainsi : « Il avait belle prestance, le professeur Léopold Sédar Senghor : lunettes cerclées d’or, un col très blanc tranchant sur sa peau noire d’ébène, pardessus bleu-noir, cravate au nœud soigneusement préparé, serviette à la main, gants de peau en pécari, note claire sur personnalité austère et sévère. » (Le lycée Descartes pendant les années noires 1939-1945, p. 91)

Jean-Paul Sartre qualifie Léopold Sédar Senghor d’« Orphée noir » dans la préface de l’« Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française ».

En 1990 (le 13 août), M. Federico Mayor, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a prononcé une allocution sur Léopold Sédar Senghor à l’occasion de la cérémonie de dédicace de la place d’Asilah au Maroc, dans laquelle il dit :

« ce lieu honore un poète dont le mérite primordial est d’avoir, par son œuvre universellement traduite, ouvert au peuple de son Sénégal natal, à tous les peuples d’Afrique, et par-delà ce continent, à toute la diaspora noire, les chemins de la dignité, envers et contre les vicissitudes de l’histoire ».

La Touraine a laissé dans le cœur de ce poète et futur président, un souvenir heureux ce qui est à l’éloge de notre région tant appréciée des écrivains ; ainsi, il écrit dans une lettre du 11 avril 1983 adressée à Madame Jacqueline Delpy :

« Je vous le redis, ayant vécu de 1935 à 1938, à Tours comme professeur au lycée et y ayant passé mes meilleures années, je me serai fait une joie d’être des vôtres. » (Mémoires de l’Académie, 2001, p. 16)

Le 5 mars 2002, l’Académie des sciences morales et politiques à Paris, rend hommage à Léopold Sédar Senghor, dans le cadre de la cérémonie organisée en sa mémoire, par le Président, Marcel Boiteux, lui donnant le titre de « maître de sagesse ». Celui-ci met en relief la vie de cet homme partagé entre deux cultures :

« Africaines les jeunes années, (…)
Français l’apprentissage de la langue (…)
Africaine, la révolte contre le sourire « Banania » et la revendication de l’honneur de son peuple ;
Français le mandat électoral et l’engagement politique ;
Africaine l’indépendance de son pays et la création de la République du Sénégal ;
Français, enfin, les vieux jours, la Coupole et Verson.
 »
(allocution du 5 mars 2002, Académie des sciences morales et politiques)

Ensuite, M. Jean Foyer a montré le rôle important que Léopold Sédar Senghor a joué dans le processus d’accès à l’indépendance de son pays.

 

Son œuvre poétique

Son livre « Œuvre poétique » se compose essentiellement de six recueils et de « Poèmes divers », complétés par « Chant pour Jackie Thompson », « Les Djerbiennes » et un septième recueil, « Poèmes perdus ».

À propos de ceux-ci, Léopold Sédar Senghor précise dans l’introduction :

« Ce recueil est constitué par les premiers poèmes que j’ai écrits, et que je voulais déchirer, les trouvant encore imparfaits. Je les avais mis de côté, puis donnés à ma femme Colette qui allait m’inspirer, plus tard, les Lettres d’hivernage.
Ma femme avait conservé ces poèmes, pensant qu’ils étaient une référence, un témoin de l’évolution de ma poésie, ce qui ne manquait pas d’intérêt à ses yeux. »

Ce geste nous permet de connaître des poèmes comme « À la négresse blonde » ou « Encore toi », dans lesquels il parle de la Touraine.

La poésie de Léopold Sédar Senghor est imprégnée de négritude c’est-à-dire qu’il veut affirmer la pensée et la beauté de la race noire à travers ses poèmes. Il a écrit : « Ma négritude est truelle à la main, est lance au poing » (Œuvre poétique, p. 265), expression qui fait bien ressortir le caractère actif de sa démarche de réhabilitation de la population noire.

De très nombreux de poèmes y font référence comme le premier chapitre « Chants d’ombre » qui reflète sa nostalgie de l’enfance et de son pays natal, comme les poèmes « Femme noire » ou « Ambassadeur du peuple noir ». Il utilise par contraste la couleur, le blanc pour mieux faire ressortir le noir, comme par exemple « Hosties noires » (titre d’un chapitre) et « Nuit blanche », « To a dark girl » (titres de deux poèmes). Léopold Sédar Senghor a toujours voulu être un ardent défenseur de la cause noire comme son ami antillais Aimé Césaire, et par ce biais le défenseur de tous les opprimés en essayant de garder le dialogue avec tous ceux qu’il rencontre.

Léopold Sédar Senghor veut s’affirmer dans sa race noire et il chante la beauté des noirs dans de nombreux livres comme par exemple, avec la reine de Saba qu’il présente ainsi : « Car tu es noire, et tu es belle. » (Œuvre poétique, p. 326)

Son appel à la reconnaissance des noirs l’a entraîné à écrire une « Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française » préfacée par Jean-Paul Sartre qui a défendu lui aussi la cause de la négritude :

« Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était nègre, de le réduire à l’état de bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître pour un homme. » (p. XIV)

Dans cette anthologie parue en 1948, à l’occasion du centenaire de la Révolution de 1848 abolissant définitivement l’esclavage et instituant l’instruction gratuite et obligatoire dans les Colonies (p. 1), les poètes sont classés par appartenance géographique : Guyane, Martinique, Guadeloupe, Haïti, Afrique noire, Madagascar. Dans chaque groupe, trois à quatre poètes principaux sont choisis ; ce n’est pas le choix de Senghor comme il le mentionne dans sa préface mais celui de l’éditeur qui a préféré que l’accent soit mis sur des poètes connus dans chaque pays. Ce livre est une louange aux poètes noirs comme il nous le dit si bien : « Et maintenant chantent les nègres. » (p. 2)

La négritude doit être pour lui, un état reconnu pour construire un monde meilleur :

« Il s’agit de construire un monde plus humain parce que plus complémentaire dans sa diversité. » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 123)

La femme a toujours été pour lui, l’être bien aimé auquel il a voulu rendre hommage, hommage aux femmes qui l’ont élevé, aux femmes dont il a aimé la beauté, leur corps, l’envoûtement lié au fait qu’elles soient germe de vie, aux femmes de tout pays qu’il a côtoyées et qu’il a aimées. De nombreux poèmes en portent la marque : « Pour Emma Payelleville l’infirmière », « L’absente », « Princesse, ma Princesse », « À une antillaise », « Beauté peule », « Femme noire » dont voici le premier paragraphe :

« Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu’au cœur de l’Été et de Midi, je te découvre,
Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.
(…)
 »

(Œuvre poétique, p. 16)

 

Cet hymne à la femme est un cri, un remerciement, un chant d’admiration, d’émerveillement sur la beauté de la femme dans la plénitude de sa féminité. Quelque soit sa race, elle est d’abord femme et voici en parallèle de « Femme noire », un extrait du poème « Femmes de France » :

« Femmes de France, et vous filles de France
Laissez-moi vous chanter ! Que pour vous soient les notes claires du sorong.
(…)

Seules vous entendiez ce battement de cœur semblable à un tam-tam lointain
Et il faut coller son oreille à terre et descendre de son cheval.

Pour eux, vous fûtes mères, pour eux vous fûtes sœurs.
Flammes de France et fleurs de France, soyez bénies !
 »

(Œuvre poétique, p. 78 et 79)

 

Quelle force jaillit du cœur du poète et quelle beauté du message transmis dans sa plénitude ! Léopold Sédar Senghor sait faire vibrer les cordes de l’âme au son de la musique de son pays, le sorong et le tam-tam rythment la musique des mots pour mieux parler des femmes qu’il a côtoyées.

Léopold Sédar Senghor n’a pas vu seulement le côté idéal de la femme mais aussi sa beauté physique et sa sensualité comme dans le poème « Beauté peule » :

« Ah ! qui me rendra
L’arc frémissant des seins de Salimata Diallo,
Sa taille amicale
Et l’opulence fine de ses hanches ?...
 »

(Œuvre poétique, p. 348)

 

S’il a chanté la femme noire, Léopold Sédar Senghor a su nous émouvoir aussi en parlant de la femme blanche comme par exemple la louange à sa deuxième épouse, Colette, qu’il a célébrée dans ses poèmes en particulier dans « Élégie des Alizés » :

« Non, sous tes yeux je serai, soufflera sur ma fièvre le sourire de tes yeux alizés
Tes yeux vert et or comme ton pays, si frais au solstice de juin.
Où es-tu donc, yeux de mes yeux, ma blonde, ma Normande, ma conquérante ?
 »

(Œuvre poétique, p. 271)

 

Partagé entre deux cultures, celle de sa naissance et celle du monde occidental dont la France, Léopold Sédar Senghor loue les terres de ses attaches, celle qui lui est viscérale comme celle qui lui a donné l’expression, l’accès aux diplômes, à l’enseignement et à la langue française dont il sera un ardent défenseur. Il peut aussi bien louer l’Afrique dans « Les Djerbiennes » ou « Le totem », que la France dans « Neige sur Paris », « Jardin des Prébendes », « Jardin de France », « Printemps de Touraine » dont nous reparlerons dans un autre chapitre sur sa poésie en Touraine.

Dans le poème « L’enfant prodigue », dont le titre délivre un message de foi, l’auteur affirme sa nostalgie de repartir de son pays :

« (…)
Ah ! de nouveau dormir dans le lit frais de mon enfance
Ah ! bordent de nouveau mon sommeil les si chères mains noires
Et de nouveau le blanc sourire de ma mère.
Demain, je reprendrai le chemin de l’Europe, chemin de l’ambassade
Dans le regret du Pays noir.
 »

(Œuvre poétique, p. 52)

 

Dans son petit livret, « Chants pour Naëtt », la femme le fait vibrer d’une sensualité qu’il veut partager avec le lecteur :

« Je dormirai dans le silence de mes larmes
Jusqu’à ce qu’effleure mon front l’aube laiteuse de ta bouche.
 » (p. 11)

 

Il chante à travers de très belles images caractéristiques de son pays, la beauté d’une princesse noire idéalisée, exilée :

« Naëtt, son nom a la douceur de la cannelle c’est le parfum où dort le bois de citronniers.
Naëtt, son nom a la blancheur sucrée des caféiers en fleurs
C’est la savane qui flamboie sous l’amour mâle de Midi.
 » (p. 19)
(…)

« Paroles de pourpre à te parer Princesse noire d’Elissa ». (p. 25)

 

Marqué par la guerre en France et par les guerres dans le monde entier, ses poèmes veulent être un témoignage à ceux qui ont tout donné et il leur rend hommage comme dans « Libération », « Luxembourg 1939 » qui se termine ainsi :

« On installe des canons pour protéger la retraite ruminante des Sénateurs
On creuse des tranchées sous le banc où j’ai appris la douceur éclose des lèvres.
Cet écriteau ah ! oui, dangereuse jeunesse !...
Je vois tomber les feuilles dans les faux abris, dans les fosses dans les tranchées
Où ruisselle le sang d’une génération
L’Europe qui enterre le levain des nations et l’espoir des races nouvelles.
 »

(Œuvre poétique, p. 66)

 

Toujours en guerre contre l’injustice, contre toutes les tueries, Léopold Sédar Senghor ne peut pas se taire quand des gens meurent alors que les puissants n’ont rien à craindre comme dans son poème « Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France », écrit à Tours en 1938, qui a trait à la guerre d’Espagne, à celle de 1914 et puis de 1940 qu’il pressent :

« Voici le Soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.
J’entends le bruit des canons – est-ce d’Irun ?
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat inconnu.
(…)

Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais
MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE !
 »

(Œuvre poétique, p. 63 et 64)

 

L’image de la vie innocente, du soleil qui se lève, des vierges et des vieillards qui sourient, contraste avec celle de la cruauté de la mort, de ceux qu’on veut ignorer. Léopold Sédar Senghor possède l’art oratoire de mettre en valeur ses textes d’une manière poétique intense. Les images parlent d’elles-mêmes comme le sourire des vieillards en opposition avec le bruit des canons, images fortes pour transcrire un message qui se veut frappant de vérité.

Cette pensée est l’un des messages de Léopold Sédar Senghor, « le lion téméraire », « celui qui ne pourra jamais avoir honte », poète qui refuse la honte, l’injustice, la guerre, les massacres. Il veut être le poète de la justice alors il rend hommage à ceux qui sont morts pour un idéal.

Léopold Sédar Senghor est aussi l’écrivain du départ, thème qui revient dans ses textes, « C’est le temps de partir », « Départ », « Vacances », ou dans cet extrait de « L’absente » :

« Les mots s’envolent et se froissent au souffle du Vent d’Est, comme les monuments des hommes sous les bombes soufflantes
Mais le poème est lourd de lait et le cœur du Poète brûle un feu sans poussière.
 »

(Œuvre poétique, p. 115)

 

Son humanisme

Léopold Sédar Senghor veut que les noirs soient fiers de leur culture et de leurs traits de caractère. Il ressort aussi de son témoignage qu'il est contre la guerre, les colonisations, l’exploitation des femmes et de tout peuple humilié. Il a écrit pour défendre cette cause, des conférences à visée philosophique, en recherchant la beauté des mots pour le dire :

« Ne l’oublions pas, le poème, ce sont des « paroles plaisantes au cœur et à l’oreille ». » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 280)

Paroles plaisantes bien sûr mais aussi fortes de sens et témoignant de son humanisme :

« C’est un fait, et mondial, toutes les cultures de tous les continents, races et nations sont, aujourd’hui, des cultures de symbiose, où les quatre facteurs fondamentaux, que sont la sensibilité et la volonté, l’intuition et la discursion jouent, de plus en plus, des rôles équilibrés. À ce vaste dialogue qui se fait à l’échelle de l’Universel, tous les continents ont contribué, le plus vieux, l’Afrique, comme le plus jeune, l’Amérique. » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 210)

 

Le mysticisme de Léopold Sédar Senghor

Léopold Sédar Senghor, après une période de vide mystique, renouera avec une vision personnelle du catholicisme influencée par Théodore Monod et Teilhard de Chardin. Il affirme sa foi retrouvée grâce à ce dernier :

« Il m’a rendu la foi tout en me permettant d’être un socialiste africain : un socialiste croyant. » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 13)

Pour lui, il faut passer par le « rendez-vous du donner et du recevoir ». Dans la conclusion de son discours de réception à l’Académie française, il citera ce philosophe dont il se sent si proche :

« Or donc, c’est en ce dernier quart du XXe siècle que s’édifie, malgré les tensions, les haines et les guerres, cette Civilisation de l’Universel que Pierre Teilhard de Chardin, un Français, annonçait pour l’aube du troisième millénaire. »

Il est porté à croire par son sens du religieux :

« (…) de tout temps, Dieu a été, dans l’ontologie négro-africaine, l’Existant en soi, la Force de qui procèdent et en qui se renforcent tous les existants. » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 12)

Chrétien, imbu du dogme de la communion des saints, il enrichira sa croyance de sa solidarité avec ses frères de couleur, solidarité qui ressort souvent dans ses poèmes comme par exemple dans ses élégies dont celle à Martin Luther King (Œuvre poétique, p. 293 à 304) ou dans « Émeute à Harlem » (Œuvre poétique, p. 344).

Pendant sa présidence, « il accueillit sur la terre sénégalaise la fondation d’un monastère bénédictin par l’abbaye de Solesmes qu’il avait fréquentée dans sa jeunesse. L’abbaye de Keur-Moussa est l’exemple du métissage réussi, qui devait réjouir le Président du Sénégal. Les moines africains sont désormais les plus nombreux et l’abbé est africain. Et l’on compose dans cette maison une musique liturgique africaine, accompagnée à la kora, qui est d’une grande beauté. » (Jean Foyer, Senghor et l’évolution politique de l’Afrique noire, cérémonie de l’Académie des sciences morales et politiques, du 5 mars 2002)

Ce poète pouvait prier dans ses poèmes comme par exemple dans « Hosties noires » :

« Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques… » (Prière de paix, Hosties noires, Œuvre poétique, p. 94)

Ou encore dans ce même poème dédié à Georges et Claude Pompidou :

« Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi. » (idem, p. 95)

Dans le poème « À l’appel de la race de Saba », le poète reprend en litanie « Mère, sois bénie ! », un peu à l’image d’une prière comme un « Je vous salue, Marie » mais en mêlant la vie concrète de tout le peuple de Saba, suppliant le blanc d’éviter la guerre :

« Mère, sois bénie !
J’entends ta voix quand je suis livré au silence sournois de cette nuit d’Europe
Prisonnier de mes draps blancs et froids bien tirés, de toutes les angoisses qui m’embarrassent inextricablement

(…)

Mère, sois bénie !
Reconnais ton fils à l’authenticité de son regard, qui est celle de son cœur et de son lignage
(…)
 

(Œuvre poétique, p. 57 et 61)

 

Les pouvoirs sacrés font aussi partie de sa culture et se mêlent à son mysticisme comme dans « Le totem » où il veut être fidèle à ses ancêtres qui veillent sur lui comme des anges gardiens :

« Il me faut le cacher au plus intime de mes veines
L’Ancêtre à la peau d’orage sillonnée d’éclairs et de foudre
Mon animal gardien, il me faut le cacher
Que je ne rompe le barrage des scandales.
Il est mon sang fidèle qui requiert fidélité
Protégeant mon orgueil nu contre
Moi-même et la superbe des races heureuses… »

(Œuvre poétique, p. 24)

 

Il défend à sa manière les Droits de l’homme dans un esprit chrétien, réhabilite le pauvre, l’oublié ce qui explique qu’il se sente proche de Martin Luther King pour qui il a écrit une élégie dont voici un extrait :

« (…)
Je revois les rires avorter, et les dents se voiler des nuages bleu-noir des lèvres
Je revois Martin Luther King couché, une rose rouge à la gorge.
(…)

Vos finettes et vos fobines, que m’importent vos chants si ce n’est pour magnifier,
MARTIN LUTHER KING LE ROI DE LA PAIX ?
(…)
 »

(Œuvre poétique, p. 297)

 

Senghor a magnifié aussi bien l’homme noir de la paix que la femme religieuse à l’esprit poétique comme Thérèse D’Avila ; il a décrit sa poésie imprégnée de foi dans une communication aux Journées thérésiennes de Mazille en 1982. (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 162 à 178)

 

La poésie de Léopold Sédar Senghor en Touraine

De nombreux poèmes extraits de « Chants d’ombre » (publié en 1945) et d’« Hosties noires » (publié en 1948) font allusion à des évènements en relation avec son séjour en Touraine. Il est indéniable que les poèmes de Léopold Sédar Senghor sont imprégnés de négritude car ce poète est africain et veut affirmer son identité ; cependant la France et plus particulièrement la Touraine ont une place privilégiée dans son œuvre. Le printemps et la neige, cette grande inconnue de son enfance, sont présents comme germe de renaissance comme dans « Le portrait » qui est celui du printemps en Touraine :

« Voici que le Printemps d’Europe
Me fait des avances
M’offre l’odeur vierge des terres,
Le sourire des façades au soleil
Et la douceur grise des toits
En douce Touraine.
(…)
 »

(Œuvre poétique, p. 219)

 

Les saisons se succèdent, différentes de son pays natal ; de même qu’il a découvert le printemps de chez nous, la neige l’émerveille de part son symbole, comme dans « Neige sur Paris » :

« Seigneur, vous avez visité Paris par ce jour de votre naissance
Parce qu’il devenait mesquin et mauvais
Vous l’avez purifié par le froid incorruptible
Par la mort blanche.
(…)
 »

(Œuvre poétique, p. 21)

 

Imprégné dès son enfance de la nature, Léopold Sédar Senghor a été inspiré par le jardin des Prébendes à Tours, lieu de ces Rencontres littéraires. Il était donc essentiel de donner le souffle de ce poète en ce jardin :

« Jardin des Prébendes
Tu m’as touché l’épaule
Comme je passais le long de tes grilles vertes,
Indifférent…
(…)

Que tu m’es ami,
Pathétiquement pareil
À l’âpre passion des plaines rousses, immobiles, là-bas, en Sénégambie. »

(Œuvre poétique, p. 223)

 

Il est intéressant de constater l’empreinte omniprésente des terres natales jusque dans la description de ses impressions sur ce jardin de Touraine. La rêverie déclenchée par la vision réelle lui rappelle ses souvenirs d’enfance. Nostalgique, il reste à la recherche des temps perdus un peu à la manière de Marcel Proust. Le passé ne revient pas mais certains évènements déclenchent sa réminiscence.

Partagé entre le passé et la célébration du présent, Léopold Sédar Senghor a aimé la Touraine à la manière d’un noir qui affirme sa différence comme dans « Printemps de Touraine » :

« Mais moi
Plus faux qu’une maîtresse je te sais,
Printemps de Touraine.

Tu n’es qu’une pâle jeune fille
Aux yeux d’émail bleus,
Aux poignets de lait blanc.
(…)

Laisse-moi dormir.
On ne badine pas avec le Nègre. »

(Œuvre poétique, p. 337)

 

Ce n’est pas le hasard si le mot « Nègre » est écrit avec un N majuscule ; c’est en effet l’occasion pour le poète d’affirmer sa valeur en tant que noir par rapport à la légèreté de la vie, symbolisée par une « jeune fille pâle ». Le printemps français le fascine et ce poète n’a jamais fini de décrire ses sensations déclenchées en communion avec la nature comme dans un autre poème intitulé « Printemps » :

« (…)
Cet oiseau jamais aperçu !
Et le printemps et mon amour.
Mes yeux qui s’éclairent, mes lèvres qui éclosent,
Mon corps…
 »

(Œuvre poétique, p. 351)

 

Le rythme du poème scande les phrases qui jaillissent et reviennent, chant incantatoire venu des entrailles de l’Afrique, tam-tam de l’intérieur comme dans « Jardin de France » où la fin du poème contraste avec le début calme et serein :

« Mais l’appel du tam-tam

bondissant

par monts

et

continents,

Qui l’apaisera, mon coeur,

À l’appel du tam-tam

bondissant

véhément

lancinant ? »

(Œuvre poétique, p. 225)

 

La poésie de cet auteur s’imprègne de secousses rythmiques, résonance du tam-tam, propice à la danse, à la transe et donc au départ. Cependant il veut que le rythme s’élève dans une pensée profonde :

« Cependant, le rythme nègre ne se réduit pas à cette reproduction : à cette reprise qui n’est pas répétition. Il n’est pas un simple mouvement de la sensualité, comme trop de gens l’ont dit : la chair rythmée est, par le fait et en même temps, spiritualisée. » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 92)

 

Léopold Sédar Senghor, écrivain entre philosophie et politique

Léopold Sédar Senghor est aussi un homme politique ce qui explique qu’il a écrit des essais sur ce thème dont « Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine » qui est un livre à deux voix, la première celle de Senghor, la deuxième celle de Pierre Teilhard de Chardin. Senghor a analysé les liens entre la négritude et le marxisme, puis les pensées de Teilhard de Chardin sur la cohésion et la fécondité. Il prône la négritude comme voie africaine du socialisme. Dans un esprit d’humanisme, il redéfinit positivement la négritude, essence de la civilisation africaine, façon d’adhérer au monde moins réfléchie et intellectuelle mais plutôt spontanée et vitale :

« (…) définir les valeurs de la Négritude et en faire une contribution à la construction de la Terre : à l’édification de la Civilisation de l’Universel, (…) » (Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine, p. 16)

Senghor replace l’homme dans le cosmos et croit à la supériorité de l’âme sur l’esprit. :

« Car l’homme est un troisième infini. » (Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine, p. 36)

L’homme existe à côté de l’Immense et de l’Infime – Relativité et Quanta - (p. 38) et il distingue la Pensée de la Réflexion : « L’Homme non plus seulement « un être qui sait », mais « un être qui sait qu’il sait ». » (Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine, p. 44)

Dans ce livre, Senghor se révèle comme un écrivain philosophique et politique.

 

Conclusion

Le poète est toujours en partance. Léopold Sédar Senghor, homme d’état et poète, qui a toujours recherché la loyauté et la liberté, a vécu physiquement et moralement ce phénomène d’être toujours celui qui va vers l’autre part, de ses terres natales vers l’apprentissage du français dans une école inconnue, de l’Afrique vers l’Occident, de l’engagement littéraire au politique, d’un métier à un autre, de toujours plus de responsabilités, des allers et retours entre son pays natal et le monde entier dont la France, de la femme noire au mariage avec une française de Normandie. Le poète ne savait pas où le conduisaient ses pas mais il suivait son chemin, sur la trace de ces ancêtres. Il avait confiance en l’homme, lui qui reprenait ce proverbe sénégalais : « l’homme est le remède de l’homme » (Liberté 5, Le dialogue des cultures, p. 192)

Sa négritude reste une ouverture sur le monde, sur l’homme universel. Oui, Léopold Sédar Senghor, la France, la Touraine et le monde entier, de l’Orient à l’Occident, veulent conserver ton message de poète dans la continuité de l’honneur, du respect de l’autre, du différent, gardant confiance en l’étranger, en l’inconnu. Tu n’es pas mort car tes mots continuent de vivre en nous et le cri de ton message reste présent, hors des effets de mode. Jeunes et moins jeunes, chacun veut te rendre hommage et garder ton message, le transmettre pour que ta flamme de poésie continue d’illuminer la terre.

 

Catherine Réault-Crosnier

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages publiés par Léopold Sédar Senghor et cités dans la présente étude

Léopold Sédar Senghor, Œuvre poétique, éditions du Seuil, 1964, réédité plusieurs fois, 430 pages

Léopold Sédar Senghor, Chants pour Naëtt, éditions Pierre Seghers, Paris, 1949, 49 pages

Léopold Sédar Senghor, Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine, Cahiers Pierre Teilhard de Chardin n° 3, éditions du Seuil, Paris, 1962, 103 pages

Léopold Sédar Senghor, Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, Quadrige/Presses Universitaires de France, Paris, 5ème édition 1985, 227 pages

Léopold Sédar Senghor, Liberté 5, Le dialogue des cultures, éditions du Seuil, Paris, 1993, 299 pages

 

Ouvrage sur ou parlant de Léopold Sédar Senghor

Armand Guibert, Léopold Sédar Senghor, Poètes d’aujourd’hui n° 82, Éditions Seghers, 1969, 181 pages

Jack Vivier, Le lycée Descartes pendant les années noires 1939-1945, éditions La Simarre, Joué-lès-Tours, 2006, 108 pages

 

Articles de revues ou de presse

Jacqueline Delpy, In memoriam Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001), Léopold Sédar Senghor : à travers quelques lettres l’homme et sa poésie, Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine, tome 14, 2001, pages 9 à 18.

René Fillet, Les années tourangelles de Léopold Sédar Senghor, Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Touraine, tome 9, 1996, pages 205 à 231.

Le journal du siècle Touraine 1900-2000, CLD-La Nouvelle République, novembre 2000, 224 pages

La Nouvelle République du Centre Ouest du 23 mai 2002, « Le souvenir de Senghor »

La Nouvelle République du Centre Ouest du 2 novembre 2005, « Anciens de Descartes : à vos témoignages ! »

Journal « Le Courrier Français de Touraine » du 13 décembre 2002, philatélie, « Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001), l’homme des grandes causes.

 

Articles trouvés sur Internet

Sur le site de l’Académie française

Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001), élu en 1983 au fauteuil 16 : http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=666 (consulté le 28/10/2005)

Réception de M. Léopold Sédar Senghor, Discours prononcé par Léopold Sédar Senghor dans la séance publique, le jeudi 29 mars 1984, Paris, Palais de l’Institut : http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_reception/senghor.html (consulté le 28/10/2005)

Discours de réception de M. Valéry Giscard d’Estaing, Discours prononcé par Valéry Giscard d’Estaing dans la séance publique, le jeudi 16 décembre 2004, paris, Palais de l’Institut : http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_reception/giscard.html (consulté le 28/10/2005)

Hommage à M. Léopold Sédar Senghor, prononcé par M. Maurice Druon en l’église Saint-Germain-des-Prés, le mardi 29 janvier 2002 : http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_divers/druon_2002.html (consulté le 22/04/2006)

 

Sur le site de l’Académie des sciences morales et politiques

Académie des sciences morales et politiques, numéro spécial, lettre d’information n° 114 du mercredi 6 mars 2002, hommage à Léopold Sédar Senghor : http://www.asmp.fr/pdf/lettre_information/lettracad46.pdf

Allocution d’ouverture de M. Marcel Boiteux, (…) à l’occasion de la cérémonie organisée en mémoire de Léopold Sédar Senghor, associé étranger (mardi 5 mars 2002) : http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/boiteux/senghor.pdf

Senghor et l’évolution politique de l’Afrique noire, Discours prononcé par M. Jean Foyer, membre de l’Institut, en hommage à Léopold Sédar Senghor, séance publique du mardi 5 mars 2002 : http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/foyer/senghor.pdf

Senghor, ou la nécessité de la langue française, Discours prononcé par M. Gabriel de Broglie, membre de l’Institut, en hommage à Léopold Sédar Senghor, séance publique du mardi 5 mars 2002 : http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/broglie/senghor.pdf

Senghor, homme politique, Discours prononcé par M. Pierre Messmer, Chancelier de l’Institut, en hommage à Léopold Sédar Senghor, séance publique du mardi 5 mars 2002 : http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/messmer/senghor.pdf

 

Sur le site de la Fondation Léopold Sédar Senghor

Sur le site de la Fondation Léopold Sédar Senghor : http://www.refer.sn/flss/accueil.htm (consulté le 27/10/2005), figurent une présentation de la fondation, une biobibliographie de Léopold Sédar Senghor, ses titres académiques, les prix littéraires qu’il a obtenus, une chronologie biographique, les décorations et distinctions étrangères qui lui ont été décernées, et la liste des diplômes de docteur honoris causa dont il a été honoré.

 

Sur le site du quotidien sénégalais « Le Soleil »

Après le décès le Léopold Sédar Senghor, trois dossiers ont été publiés par le quotidien sénégalais « Le Soleil ». Ils ont été disponibles sur le site de ce journal (http://www.lesoleil.sn/) jusqu’au milieu de l’année 2005. S’ils permettent de comprendre la perception qu’ont les sénégalais de leur ancien président, seuls quelques uns ont été utilisés pour la présente étude. Voici la liste des articles parus :

- dossier du 22 décembre 2001

  • Le chef de l’État : « J’admirais Senghor tout en étant son adversaire politique »

  • Bara Diouf pleure Senghor : À l’Académie, le gouvernement l’a snobé, Wade l’a honoré

  • Amadou Cissé Dia, compagnon de Senghor : « Il est parti avant moi… »

  • Quelques réactions et messages

  • Mansour Bouna Ndiaye (Louga) : « Senghor n’a jamais voulu que je le quitte »

  • Un précurseur de la décentralisation

  • Senghor m’a fait aimer l’Afrique

  • Élégie à Léopold Sédar Senghor

  • Senghor, la philosophie et les philosophes

  • Un code qui a installé la famille dans la modernité

  • « Nous jeunes, n’avons pas connu Senghor »

  • Fondation Léopold Sédar Senghor : Coller au près de l’homme de Culture et de Paix

  • Senghor « Soukeu Ndella », le poète, l’humaniste, l’homme de Culture, s’en est allé

  • Un jeune qui n’a pas connu Senghor

  • Hommage à Léopold Sédar Senghor

- dossier du 24 décembre 2001

  • Senghor : l’ultime hommage à Dakar

  • Programme des obsèques nationales du président Léopold Sédar Senghor

  • Hommages de partout

  • Hommage au président Senghor

  • Hommage à Léopold Sédar Senghor

  • Senghor, « le contemporain fondamental »

  • Léopold Sédar Senghor : In memoriam

  • L’an 2000, c’est toujours possible

  • Mort d’un poète

  • Père et fils unis à jamais dans l’éternité

  • Senghor et l’Université : Pour que lumière soit loi !

  • Élèves et étudiants : « Nous voulons lire le français d’ébène du poète ! »

- dossier du 31 décembre 2001

  • Mgr Théodore Adrien Sarr : « La mort ouvre le temps de la fécondité des grandes œuvres »

  • L’ultime hommage de la République et du peuple à un immortel

  • L’hommage d’Abdoulaye Wade à Léopold Sédar Senghor : « Il est des pertes dont on est jamais consolé… »

  • Senghor, le repos éternel aux côtés de Philippe Maguilen

  • La communauté internationale fortement représentée

  • Me Wade : « Il a porté haut le flambeau de notre pays »

  • L’oraison funèbre du peuple

  • Dernières fièvres pour une mise en terre : Senghor passe couché, son peuple le célèbre debout

  • Murmures et confidences de la classe politique

  • Joal résigné, mais digne dans sa douleur

  • Me Wade ou la grandeur et le sens de l’histoire

  • Et si on érigeait une statue pour Senghor ?

  • Et si Senghor allait vers les Pangols !

  • Plus fort que le néant

  • Réaction Abdoul Aziz Sy Junior : « Je suis allé à Verson en septembre pour le voir »

Nous pouvons lire régulièrement des articles publiés dans ce quotidien, en allant sur le site et en tapant « Senghor » dans le moteur de recherche.

 

Sur le site de la commune de Verson

Sur le site de la commune de Verson (http://www.ville-verson.fr/fr/framesenghor.htm), vous trouverez une rubrique consacrée à Léopold Sédar Senghor, comprenant six thèmes : Chronologie, Bibliographie, Fonds Senghor, Négritude, Francophonie et Normandité. (consulté le 27/10/2005)

D’autres pages peuvent être découvertes comme le « Communiqué » publié lors du décès de Léopold Sédar Senghor : http://www.ville-verson.fr/fr/hommage.html (consulté le 27/10/2005)

 

Sur d’autres sites

De très nombreux articles ont été trouvés sur Internet, nous ne citerons que ceux qui ont été utilisés :

Site consacré au centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor : http://www.senghor.francophonie.org/, avec notamment une présentation des principales manifestations organisées, une biographie de Léopold Sédar Senghor, et une description de ses liens avec la francophonie.

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, allocution de M. Federico MAYOR, directeur général de l’Unesco, le 13 août 1990 à Asilah (Maroc), lors de la cérémonie de dédicace de la place d’Asilah à M. Léopold Sédar Senghor : http://unesdoc.unesco.org/images/0008/000894/089410Fo.pdf (consulté le 27/10/2005)

Benjamin Hus, Georges Pompidou : http://www.11vm-serv.net/~vbonhushist/pages/pompidou.htm (consulté le 27/10/2005) (nouvelle adresse : http://www.histoire59.info/pages/pompidou.htm)

 

Après la lecture de ce texte, un débat s’est instauré avec le public et le Docteur Jack Vivier a pris la parole (lire la retranscription de l'intervention du Docteur Vivier).